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les astres de certaines constellations : la grande et la petite Ourse, la Couronne boréale, la Lyre. Peut-être encore un observateur plus attentif aura-t-il l’idée d’annexer à ces mêmes astérismes, grâce à un examen moins superficiel, d’autres étoiles voisines de ces figures si aisément reconnaissables, mais il restera toujours une foule d’astres peu éclatans, situés sur les limites de deux ou plusieurs groupes, qui ne sauraient être rattachés à aucune des agglomérations voisines, parce qu’aucune bonne raison ne motive un choix plutôt qu’un autre. Nous venons de faire allusion aux « étoiles vagues » des anciens ; on les a actuellement fait entrer toutes ou presque toutes dans plusieurs constellations artificielles créées assez arbitrairement au siècle dernier. Mais les astronomes, qui n’avaient pour but que de faciliter leur tâche en complétant une distribution de fantaisie, étaient plus à l’aise dans leur partie que les chimistes actuels dans leur sphère. Quoique le problème soit résolu en ce qui concerne la majorité des corps, il est probable que plusieurs autres formant la minorité attendront longtemps et peut-être toujours une place convenable dans une classification naturelle, complète et presque absolue. Cette difficulté n’est même pas sans avantages à certains égards, et elle tend à favoriser plutôt qu’à enrayer le progrès de nos connaissances. Non-seulement les chimistes ne sont, au fond, pas fâchés d’approfondir des caractères capricieux et mobiles, non-seulement ce défaut d’enchaînement parfait accroît les ressources dont ils disposent pour réaliser leurs synthèses et expliquer les phénomènes naturels et qui sont par cela même plus abondantes et variées, mais, il y a déjà quelques années, plusieurs d’entre eux se sont demandé si, après tout, il ne valait pas mieux élargir un cadre étroit et rebâtir sur un plan moins régulier, mais beaucoup plus vaste. Non sans un succès relatif, on a tenté de découvrir et de suivre le fil invisible qui relie entre eux tous les corps simples et dont la connaissance peut conduire à des découvertes d’élémens propres à combler bien des lacunes.

Trois chimistes ont conçu ou développé l’idée d’un classement général et absolu des métalloïdes et métaux rangés dans un tableau unique. Ce sont, — par ordre alphabétique, — un Russe, M. Mendeléjef ; un Allemand, M. Lothar Meyer ; un Anglais, M. Newland. Il convient d’ajouter qu’entre ces trois savans ont surgi des questions brûlantes de priorité, d’autant plus difficiles à trancher que les rivalités d’école à école et de nation à nation ont envenimé le débat, et dans lesquelles nous nous dispenserons d’entrer.

M. Newland, dès 1864, disposait en série tous les corps simples connus, suivant l’ordre des poids atomiques croissans, depuis l’hydrogène (1) et le lithium (7), jusqu’à l’uranium (240), en appliquant