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finalement l’argent. En dépit de son inaltérabilité bien connue et dérivant d’une puissance d’affinité médiocre, ce corps précieux fait partie de la même catégorie. Bien plus longue est la liste des métaux bivalens, qui exigent deux atomes de chlore ; leur nombre est même trop grand pour qu’on n’établisse pas de sous-divisions dans cette vaste classe comprenant, en sus des métaux dits alcalino-terreux, — le calcium, le baryum, et le strontium, — le magnésium, le zinc, le cuivre, le mercure, le nickel, etc. Au contraire, la famille des métaux trivalens ne comprend que le bismuth, dont les allures un peu ambiguës rappellent les métalloïdes, l’antimoine, qu’aujourd’hui tout le monde s’accorde à envisager comme tel, enfin l’or séparé de l’argent et mis de côté. Le platine et l’étain figurent comme élémens nettement quadrivalens.

Ceci posé, entreprenons une étude attentive des caractères physico-chimiques des métaux et des sels qui en dérivent. Des analogies manifestes rapprochent, surtout au point de vue des formes cristallines et de la solubilité dans l’eau, les combinaisons du même ordre de corps de valence identique. Ainsi l’histoire de l’argent, si éloigné du potassium à certains égards, met en lumière maintes propriétés communes à ces deux métaux. L’affinité des trois métaux alcaline-terreux est frappante. Enfin il n’est pas malaisé de découvrir des relations fort étroites entre les sels du cuivre, du mercure, du magnésium, du zinc.

Mais que le lecteur, à la seule inspection du tableau dont nous avons esquissé à peine les principaux linéamens, ne s’imagine pas que la philosophie naturelle a réussi à découvrir un criterium infaillible. Malheureusement, les choses ne sont pas toujours aussi simples. Ainsi plusieurs savans de l’école atomique s’étaient imaginé que la valence des atomes, ou, comme nous l’avons expliqué, leur capacité de saturation vis-à-vis de l’hydrogène et du chlore, était une faculté absolue, essentielle, invariable. Quant aux exceptions embarrassantes, elles étaient attribuées à des influences spéciales à chaque cas et d’ordre secondaire. Il n’en est rien : fréquemment un atome unique absorbe, suivant les circonstances, plus ou moins de chlore, plus ou moins d’hydrogène, et donne ainsi lieu à deux composés différens. Ainsi le phosphore, suivant qu’on met à sa disposition peu ou beaucoup de chlore, fournit du trichlorure ou du quintichlorure de phosphore : il agit donc comme corps trivalent ou quintivalent. L’iode monovalent peut devenir trivalent ; des trois atomes de chlore du trichlorure d’iode deux se détachent, il est vrai, très facilement, en sorte que le composé se trouve être un agent chlorurant précieux dans certaines opérations de synthèse. On voit que les exceptions que présentent les métalloïdes ont été mises