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trois cloches ou récipiens identiques et contenant, l’une de l’hydrogène, la seconde du chlore, la troisième de la vapeur de benzine, ces fluides étant tous soumis à une même pression, celle de l’atmosphère, par exemple, et également chauffés à 440 degrés pour fixer les idées[1]. Dans chaque cloche seront emprisonnées un certain nombre de molécules ; qu’il y en ait cent mille, un million, un milliard dans la première, peu nous importe, mais ce qui est certain, a priori, c’est que la seconde et la troisième en renfermeront autant, ni plus, ni moins. La loi en question est rigoureusement exacte pour les gaz proprement dits, et très approchée en ce qui concerne les vapeurs si la température est suffisamment élevée et si la pression n’est pas exagérée.

Grâce au principe d’Ampère, il suffit, pour avoir le rapport des poids de la molécule d’hydrogène à celle du chlore par exemple, de comparer les poids de deux volumes quelconques, mais égaux, de chacun de ces gaz également comprimés et chauds. Si dix litres du second corps pèsent 35,5 fois plus que dix litres du premier, la molécule du chlore est aussi 35,5 fois plus lourde que celle de l’hydrogène. Cette dernière, qui est la plus légère de toutes, a été prise pour unité de poids.

Une matière est plus facile à étudier dans sa structure intime, si elle est gazeuse ou susceptible de le devenir, car, dans ce cas, ses molécules peuvent être pesées au moins d’une façon relative. Rien de plus aisé alors au chimiste que de les disséquer en atomes, par le raisonnement bien entendu. Si le corps volatil est simple, comme dans le cas du chlore, les atomes dont l’agglomération constitue la molécule sont tous identiques entre eux. Dans quelques cas assez rares, l’atome est unique : cette singularité se présente pour le mercure, et elle permet même de prévoir, grâce au calcul, certaines anomalies dans les propriétés calorifiques de la vapeur mercurielle, et MM. Kundt et Warburg ont réussi à justifier par l’expérience toutes les circonstances indiquées. Un métal moins connu que le mercure, le cadmium, d’où dérive une belle couleur jaune fort employée en peinture, possède également à l’état fluide une molécule à atome isolé. Le cuivre, le magnésium, le zinc, ne sont pas volatils, mais ils ont avec le mercure trop de points de contact pour n’être pas « monoatomiques » comme lui. En revanche, le nombre des élémens gazeux ou gazéifiés dont la molécule peut se couper en deux atomes est considérable. Tous les anciens gaz permanens, c’est-à-dire l’oxygène, l’hydrogène et l’azote,

  1. C’est le point d’ébullition du soufre fondu, et cette température élevée, facile à obtenir et à maintenir invariable, joue un grand rôle dans les recherches de chimie.