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en pourpre foncé, et, si nous regardons le soleil au travers d’une lame d’or suffisamment mince, la feuille métallique vue par transparence semblera verte. On sait que le vert est la nuance complémentaire du rouge.

Corpora non agunt, nisi soluta, disaient, en exagérant une idée fort juste en général, les prédécesseurs de Wurtz et de Berthelot. Pour provoquer ou faciliter une réaction chimique, il est presque toujours avantageux d’amener préalablement à l’état liquide le solide, le gaz qui doit entrer en conflit, en le « dissolvant, » s’il est possible, dans un « véhicule » ou un « menstrue. » Ce dernier terme, très usité jadis, a vieilli, mais la première expression est excellente et fait image, car le fluide employé permet de communiquer aux particules dissoutes la mobilité qui leur fait défaut ; il transporte celles-ci au contact du corps qu’elles doivent attaquer, de même qu’une voiture nous amène où nous désirons nous rendre. Le dissolvant par excellence est l’eau pure, dans laquelle la plupart des matières salines se fondent très bien, mais, malheureusement, les seuls métalloïdes qu’elle absorbe sont le brome, le chlore et l’iode, et encore à doses minimes. On emploie souvent l’alcool comme véhicule de l’iode, et le sulfure de carbone, liquide lourd, volatil et fétide, dont la lutte contre le phylloxéra a vulgarisé le nom, peut s’assimiler d’assez fortes quantités d’iode, de phosphore, et surtout de soufre. Jamais le sulfure de carbone du commerce, par exemple celui qui sert aux traitemens viticoles, n’est exempt de soufre ; celui-ci se dépose, sous la forme d’une efflorescence neigeuse, près de la bonde des barils en vidange pour peu que la fermeture imparfaite favorise l’évaporation du sulfure. Mélangé d’iode, ce même liquide devient violet foncé ; opaque, même sous une faible épaisseur, aux rayons lumineux du soleil, la liqueur laisse passer la presque totalité des effluves calorifiques obscurs. Plus difficiles encore que les substances précédentes, le bore et le silicium restent indifférens aux véhicules « neutres » énumérés ci-dessus et ne se marient qu’à l’aluminium ou au zinc en fusion. Laisse-t-on refroidir le mélange en prenant certaines précautions, on obtient au sein du lingot solidifié une cristallisation de bore ou de silicium et, au moyen de l’acide chlorhydrique, qui ronge le métal et respecte le métalloïde, il est facile de dégager les cristaux de la gangue qui les entoure. Si le carbone se mêle un peu à la fonte en fusion, la masse, une fois concrétée, ne renferme que des paillettes de graphite, matière à demi amorphe. Ce n’est donc pas à un phénomène de ce genre qu’il convient de rapporter la mystérieuse origine du diamant. Vis-à-vis des métaux, eau, alcool, sulfure de carbone, benzine, sont absolument impuissans ; mais les acides les attaquent plus ou moins, et un sel, qui