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métallurgique plus rapide ou moins coûteux, la découverte d’un nouveau gisement, font subir à la valeur vénale une baisse inattendue ; c’est ce qui est arrivé pour le sodium, et, plus récemment, pour l’aluminium. Souvent la matière est introuvable à n’importe quel prix ; il faut alors avoir recours à l’inventeur ou à un collègue complaisant, lequel consente à en céder quelques parcelles. Et, en pareil cas, un lingot d’un petit nombre de grammes est encore un superbe présent ! Il y a environ deux années, M. Nilson, en Suède, a pu étudier et apprécier les caractères les plus essentiels du scandium et de ses composés à l’aide d’un imperceptible fragment d’un tiers de gramme. Grâce à l’habileté des manipulateurs, ces faibles masses, successivement engagées dans une série de combinaisons variées, ne subissent pas de pertes sensibles, tout en se transformant à l’infini.

H peut très bien se faire que les dérivés d’un métal mal étudié et presque impossible à obtenir soient des matières fort communes et très vulgaires. Un pareil état de choses est, en définitive, une atténuation de ce qui se passe avec le fluor. À peine si le calcium a pu être préparé dans un état satisfaisant de pureté, et cependant quoi de plus trivial que la chaux, son oxyde ? Pendant longtemps les circonstances ont été les mêmes pour le magnésium, aujourd’hui si bon marché, et pour l’aluminium, dont l’apparition, il y a vingt-cinq ans, semblait devoir révolutionner l’industrie, dans laquelle, après tout, le nouveau-venu ne joue qu’un rôle secondaire.

Comme de juste, tout savant qui découvre un corps simple a le droit de le baptiser d’un nom particulier plus ou moins heureusement choisi. Actuellement, avons-nous dit, les noms « géographiques » sont à la mode ; mais un assez grand nombre de termes plus anciens sont de pure fantaisie et empruntés au répertoire de la mythologie grecque, des légendes allemandes ou des mythes scandinaves. En parcourant la table d’un cours de chimie minérale, on voit défiler, pêle-mêle, Niobé, Tantale, les Titans, la Terre, la Lune, les Kobolts ou génies des mines, et le dieu Thor. Dans un cas, l’expression à tournure latine a fait place à un autre mot moins savant, mais plus caractéristique. La notation écrite a beau conserver le terme de « stibium, » celui « d’antimoine » a prévalu dans le langage commun. Ainsi, dit-on, se trouve rappelée la légende, vraie ou fausse, des religieux d’un couvent involontairement empoisonnés par Basile Valentin, célèbre alchimiste, qui croyait avoir découvert dans les sels antimoniés des panacées capables de guérir tous les maux. On a dit que les noms du brome, de l’azote, du phosphore étaient impropres, parce que d’autres corps simples ou