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d’instruction sont si largement dispensées à l’artiste, au milieu de ces œuvres de l’antiquité, « de ces beaux marbres, de ces bronzes qui viennent l’éclairer. » Ce courant est devenu irrésistible. Malgré le peu de sécurité des routes et l’incertitude de la vie qui attend ces transfuges dans leurs pérégrinations, ils affluent de tous côtés vers le pays de leurs rêves et ils ne peuvent s’en arracher qu’à regret. On en voit qui, venus pour un an, y passent toute leur existence. Hubert Goltzius est pris d’un si ardent désir de visiter un pays qui office de pareilles séductions que marié, père de famille, il quitte un beau matin Bruges, sous prétexte d’un court voyage d’affaires qui l’appelle à Cologne, et ne rentre au domicile conjugal qu’après avoir séjourné à Rome pendant deux années entières. Dans la ville éternelle qui est leur rendez-vous le plus habituel, ces étrangers forment une colonie assez nombreuse ; ils se réunissent entre eux et s’exaltent mutuellement dans leur commune admiration. Et cependant cette Italie qui exerce sur la bande académique une telle fascination est désormais bien dégénérée et l’on a peine à comprendre qu’avec la facilité banale et conventionnelle de leur talent ses artistes puissent exciter de pareils sentimens. De retour chez eux, les italianisans sont fêtés comme des héros. Dès son arrivée, B. Spranger est convié à un dîner que lui offre la société de rhétorique de Harlem et honoré, après le repas, « d’un esbatement de la peinture » dont son ami van Mander était probablement l’auteur. Vous pouvez, d’après cela, penser les transports qui accueillent les Italiens eux-mêmes quand ils s’égarent en ces régions ; F. Zucchero, assez mince artiste pourtant, y provoque un véritable enthousiasme.

Convertis à l’art nouveau, ces Flamands s’en font autour d’eux les apôtres, en célèbrent à l’envi les merveilles ; essaient, le plus souvent sans grand succès, d’en imiter les allures et le style. Jean Swart est loué par van Mander pour avoir contribué, avec Scorel, à introduire dans les Pays-Bas « la nouvelle manière, se rapprochant du style italien, » et Adrien de Weerdt a su si bien imiter l’exécution du Parmesan, que ses ouvrages peuvent être confondus avec ceux de ce maître. Avec le goût de l’Italie, celui des études dont elle avait frayé la voie s’est aussi répandu. Pierre Koeck traduit les œuvres de Serlio et compose lui-même des traités d’architecture et de mathématiques. Nous avons dit avec quel soin Lucas de Heere, le maître de van Mander, recueillait tous les objets anciens, statues, monnaies et autres curiosités qu’il pouvait trouver dans son pays. A l’exemple de Lambert Lombard, qui s’occupait déjà à dessiner des antiquités romaines, Hubert Goltzius, formé à son école, s’appliquait pendant douze ans à réunir les matériaux d’un grand travail sur les médailles des empereurs romains, travail