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l’organisme. La volonté, dans ce cas, ne joue aucun rôle. L’ordre de faire contracter les muscles ne vient pas de la volonté : c’est un ordre qui n’est pas ordonné, c’est un ordre transmis par l’irritation des nerfs sensitifs. Cette irritation, cheminant de proche en proche, a ébranlé la moelle épinière et fait que la sensibilité s’est transformée en mouvement.

Pour prendre un exemple, je suppose qu’on touche légèrement avec un brin de plume le globe de l’œil. Aussitôt les paupières se refermeront avec force. Mais la volonté ne sera pour rien dans cette occlusion des paupières. Ce sera un acte irrésistible, fatal, absolument involontaire. L’excitation sensible de l’œil a passé des nerfs sensitifs à l’axe cérébro-médullaire, et là elle s’est transformée, sans que la volonté ait joué aucun rôle, en un phénomène moteur, c’est-à-dire en l’excitation des nerfs moteurs qui commandent la clôture des paupières.

Ni la volonté ni la conscience ne sont nécessaires à l’acte réflexe. Et même, là où il y a acte volontaire, il n’y a plus acte réflexe. Les lignes que j’écris en ce moment représentent un acte volontaire. Certes, je ne pense pas à la manière dont je vais tracer chaque lettre particulière isolément. J’ai suffisamment l’habitude matérielle d’écrire pour que cette action soit tout à fait automatique et habituelle ; mais elle n’est pas réflexe, puisqu’elle est voulue. De même, le musicien qui, au piano, exécute sans presque s’en douter les mouvemens les plus compliqués et les plus complexes, fait une action automatique, rendue possible seulement par un long exercice. C’est une action automatique volontaire, mais ce n’est pas une action réflexe ; car il veut jouer du piano, de même que je veux écrire.

Il faut donc établir une grande différence entre les mouvemens volontaires, spontanés ou commandés par le moi, et les mouvemens réflexes, qui sont fatalement consécutifs à une excitation sensible.

Un acte réflexe peut être conscient ou inconscient. Cela ne change rien à son caractère.

Prenons un exemple. On sait que l’iris de l’œil est un muscle circulaire dont l’orifice central, ou pupille, laisse passer les rayons lumineux. L’iris peut se contracter, et alors la pupille est petite : ou se relâcher, et alors la pupille est grande et dilatée. Or, toutes les fois qu’une vive lumière frappe la rétine, la rétine est excitée, puis le nerf optique qu’elle termine, puis les centres nerveux unis au nerf optique, si bien qu’enfin l’excitation, allant de proche en proche dans le bulbe et dans la moelle, gagne le nerf qui fait contracter l’iris, et alors la pupille se rétrécit sans que nous en ayons la moindre conscience. Ainsi, par voie réflexe, la lumière fait contracter l’iris, comme si cet admirable appareil, par un mécanisme automatique, déterminait lui-même la quantité de lumière qui doit