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questions, cette édition forme un répertoire unique d’informations qu’il faudrait chercher éparses dans un grand nombre de livres auxquels elle dispense de recourir, puisqu’elle supplée à tous. Les deux volumes que comprend l’ouvrage ont été publiés avec un luxe sévère et de bon goût qui répond à son caractère et à son mérite. Peut-être même est-il permis de trouver que l’éditeur a trop bien fait les choses. Le format choisi par lui comporte, il est vrai, la reproduction en fac-similé de gravures ou de portraits anciens qui accompagnent utilement les biographies du vieux chroniqueur; mais ce format assez encombrant n’est ni très commode, ni très maniable pour un livre qu’on doit consulter souvent. Il n’est que juste d’ajouter, après cette légère critique, que ce livre est désormais indispensable à tous ceux qui veulent étudier de près l’art flamand et qu’avec la table des matières, un index méthodique leur permet de trouver aussitôt tous les renseignemens dont ils ont besoin.

En appelant aujourd’hui l’attention de nos lecteurs sur le Livre des Peintres, nous essaierons de montrer, après une courte biographie de son auteur, quel degré de confiance il convient d’accorder aux témoignages qu’il nous a laissés. Puis, à l’aide des indications puisées dans ses notices et dans quelques autres publications récentes, nous étudierons, non-seulement la façon de vivre des artistes à cette époque et les relations qui s’étaient établies entre eux, mais les tendances fort diverses qui commençaient à se manifester dans leurs goûts et leurs aspirations. Il y a là un chapitre curieux de l’histoire de la peinture dans les Pays-Bas, au moment même où la séparation entre l’école flamande et l’école hollandaise allait se produire, et nous nous sommes proposé de déterminer avec plus de précision qu’on ne l’a fait jusqu’ici les causes et les circonstances qui ont pu amener cette séparation.


I.

Les informations que nous possédons sur van Mander, nous les devons, pour la plupart, à la notice placée en tête de la seconde édition de son Livre des Peintres[1], notice attribuée à son frère cadet, Adam. Les détails contenus dans cette courte biographie concernent particulièrement l’enfance et la fin de la vie du peintre ; ils sont moins explicites en ce qui touche à la période intermédiaire.

Né au mois de mai 1548, à Meulenbeck, petit bourg de Flandre,

  1. Cette édition parut douze ans après la mort de van Mander, en 1618.