Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/822

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
BOSSUET MORALISTE

Nous avons relu récemment Bossuet dans une pensée qui nous avait paru intéressante. Il nous semblait qu’on nous présentait d’ordinaire trop exclusivement un Bossuet ecclésiastique, un Bossuet prêtre et évêque, parlant toujours au nom de l’église et du dogme, et dont la première inspiration et presque la seule est l’Écriture sainte. Peut-être est-ce pour cela, pensions-nous, que Bossuet a cessé de plaire à beaucoup de nos contemporains, trop sceptiques ou trop indifférens pour prendre goût à des idées et à des sentimens si éloignés des leurs. Mais, en cherchant bien, ne pourrait-on pas trouver un Bossuet plus profane, s’intéressant à la vie, parlant en homme des choses humaines ; non plus seulement un prédicateur, mais un moraliste semblable à ceux que nous appelons de ce nom ; et, qui sans faire appel toujours à l’Écriture et aux livres saints, ne laisserait pas que de décrire vivement et sévèrement les vices et les passions des hommes, et de porter des vues hardies et philosophiques sur leur nature et leur destinée? Si l’on a pu séparer, dans Pascal même, avec plus ou moins de rigueur, les pensées relatives à la philosophie et les pensées relatives à la religion; si l’on a pu, au XVIIe siècle, considérer les Maximes de La Rochefoucauld comme une introduction à la morale chrétienne; si Malebranche, malgré son mysticisme, et Nicole, malgré son jansénisme, ne se sont pas abstenus d’une description fine et ironique des travers et des caractères ; si enfin Fénelon s’est si agréablement dégagé de sa robe d’évêque en écrivant son Télémaque, pourquoi n’espérerait-on pas trouver dans