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côtés de la cour sont ravissans : ils forment deux espèces de kiosques du genre de ceux de la cour des lions à l’Alhambra, mais plus grands et sans doute plus beaux. De légères colonnes supportent des arcades au-dessus desquelles, et entre lesquelles, courent les arabesques les plus fleuries. Des auvens sculptés, des corniches, des toits de bois prodigieusement ciselés, recouvrent le tout. Au-dessous sont les fontaines aux ablutions, avec leurs mosaïques. Il faudrait pouvoir pénétrer dans la cour pour étudier de près toutes ces merveilles. A coup sûr, l’art du Maghreb n’a ni la grandeur, ni la grâce, ni l’inépuisable ingéniosité de l’art arabe du Caire. Les mêmes motifs s’y répétant à satiété, on dirait presque que ces moulures de plâtre, qui portent partout des entrelacs et des feuillages uniformes, sont sorties de quelques moules toujours semblables. Néanmoins, il y en a de si élégantes et de si fines, et qui s’unissent à des combinaisons d’architecture si imprévues, qu’on ne se lasse pas non plus de les admirer. On y revient sans cesse, l’œil s’y égare de plus en plus ravi. Je serais resté, je crois, des heures entières en contemplation devant la cour de la mosquée El-Kairouayn, si mes soldats ne m’avaient prévenu que j’insistais trop et qu’il fallait partir.

En me retournant pour m’éloigner, je fus frappé de voir, dans la maison qui fait face à la mosquée, des poutres en bois sculptées avec une largeur et une puissance de dessin très supérieures à tout ce que j’avais observé jusque-là. Cette maison est une dépendance de la mosquée, et comme celle-ci a été refaite plusieurs fois, les poutres que j’admirais lui ont certainement appartenu et sont un débris de la plus belle époque de l’art arabe. On rencontre encore dans Fès bien des mosquées, bien des écoles, qui, même aperçues au passage, à travers des portes entr’ouvertes, produisent une vive impression. Les portes elles-mêmes sont souvent des monumens d’architecture d’une grande valeur. J’en ai trouvé dont les battans de bronze, admirablement décorés, n’ont pas été trop endommagées par le temps et par la barbarie des habitans. Ces portes s’ouvrent presque toujours sous une grande arcade en ogive ; sur le mur de la maison qui fait face, une arcade du même genre est dessinée ; enfin, deux arcades, toujours du même genre, dominent les deux côtés de la rue. Au-dessus de ce carré d’arcades, véritable vestibule triomphal, s’étend un plafond arabe, et, sur les pendentifs, des motifs plus ou moins gracieux dissimulent la lourdeur des angles. Tout cela porte la marque d’un peuple qui fut réellement et grandement artiste. On retrouve encore la trace de son passé dans les minarets de ses mosquées. Lorsqu’on les compare aux minarets turcs, on est bien vite frappé de la différence. Ces derniers, qui n’ont aucune valeur comme architecture, ne se prêtent