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Quant aux mosquées, je les ai vues aussi bien qu’on peut le faire sans y entrer. Il y en a trois principales à Fès : la mosquée des Cherfa (cherfa est le pluriel de chérif) où se trouve le tombeau de l’iman Edriss-ben-Edriss, la mosquée El-Kairouayn et la mosquée des Andalous. Il est impossible même de s’approcher de la première, tant elle est sacrée. La petite rue qui y conduit ne doit jamais être souillée par les pas d’un chrétien ou d’un juif. Il a donc fallu me borner à en regarder de loin la porte, toute couverte de faïence, et qui me laissait apercevoir à l’intérieur des arabesques en plâtre dont je n’étais pas à même d’apprécier le travail à distance. À quelque heure que je sois passé en face de cette porte, il y avait toujours un grand nombre de dévots qui la franchissaient pour aller prier auprès des restes du saint fondateur de Fès. En revanche, rien ne m’a été plus aisé que de me faire une idée à peu près exacte des deux autres grandes mosquées. J’y ai été conduit à pied, par deux soldats de notre escorte, dont l’un, orné de magnifiques papillotes, était officier, jouissait d’une véritable autorité et paraissait dépouillé de tout fanatisme. Il me faisait arrêter longuement auprès de chacune des portes ouvertes de ces mosquées, pour que je pusse en bien voir l’intérieur. Personne d’ailleurs ne semblait y trouver à redire. Au contraire, les habitans de Fès avaient l’air assez fiers de l’admiration que je manifestais pour leurs plus beaux monumens. La veille, les mêmes soldats avaient accompagné M. Henry Duveyrier, qui voulait photographier les mosquées. On l’avait laissé faire en toute liberté. Bien des gens même s’étaient écartés spontanément pour lui permettre d’opérer. Je suis persuadé qu’il ne serait pas difficile de dessiner et de peindre tout ce qu’il est possible de voir des mosquées sans y entrer directement. Un jeune peintre de beaucoup de talent qui s’était joint à notre ambassade l’aurait fait sans doute, si, au lieu de rester trois semaines à Fès, nous y étions restés trois mois. Chaque fois qu’il s’est arrêté dans les rues pour travailler, il a été l’objet d’une curiosité fatigante, mais d’aucune malveillance.

La mosquée El-Kairouayn et la mosquée El-Andalous ont la même origine. Du temps d’Edriss, un grand nombre de familles de Kairouan étaient venues s’établir à Fès : de ce nombre était celle de Mohammed-el-Fehery-el-Kairouayn, qui était arrivé de la province d’Ifrikya avec sa femme et ses deux filles. L’une de ces dernières s’appelait Fathma, l’autre Meriem ; comme elles étaient toutes deux vertueuses et pieuses, elles résolurent d’employer la grande fortune qu’elles héritèrent de leurs parens à une œuvre pieuse qui leur méritât la bénédiction de Dieu. C’est pourquoi Fathma fit construire la mosquée El-Kairouayn et Meriem la mos’quée El-Andalous. Je