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les commissaires passaient une grande partie de leur temps à la Bastille, pour confronter les témoins et les pièces avec les accusés.

Revenons maintenant à Du Cause. Nous avons dit, plus haut, que celui-ci, après la disparition de Van den Enden de la maison de Picpus, s’était rendu à Versailles. Il était allé, en toute hâte, annoncer à Louvois le retour à Paris du médecin flamand. Le ministre le reçut à bras ouverts, et lui ménagea une entrevue avec le roi, devant lequel il se présenta pour lui donner des détails sur la découverte du complot. Louis XIV se trouvait alors dans son cabinet de travail ; il ordonna au jeune officier de retourner à la maison de Picpus, afin d’observer les allées et venues de Catherine Medaëns, qui devaient mettre sur la voie du lieu où son mari était caché. On a déjà vu comment celui-ci s’acquitta des ordres que lui avait donnés le monarque, comment il servit de guide au major Brissac, qui avait été envoyé avec un détachement de gardes pour surveiller la porte Saint-Antoine.

Tout ce qui vient d’être relaté montre que c’est le jeune gentilhomme appelé Du Cause, et qui avait pris chez Van den Enden le nom de Nazelles, à qui on doit la découverte de la conspiration, sur l’existence de laquelle les avis reçus d’Angleterre et de la côte de Normandie ne fournissaient que de vagues indications. Cependant il est à noter qu’il n’est pas fait une exacte mention, dans les pièces du procès, du rôle qu’avait joué dans l’affaire le pensionnaire de Van den Enden. Son nom paraît seulement parmi ceux des témoins. Sa déposition n’a point été consignée dans les documens de la procédure. Le dossier ne renferme que le procès-verbal de la confrontation de Du Cause avec le médecin flamand, procès-verbal qui est, au reste, en parfait accord avec ce que rapporte le premier dans ses Mémoires. Suivant ce procès-verbal. Van den Enden porta bon témoignage du caractère de son pensionnaire et de la fidélité qu’il montrait à l’égard du roi. L’absence de pièces relatives à la dénonciation faite par Du Cause paraît devoir s’expliquer par cette circonstance que Louvois voulait laisser ignorer à qui il était redevable de la découverte du complot. Il garda rancune à Du Cause pour ne pas s’être prêté à ses vues. Un jour, l’un des juges du procès (c’était vraisemblablement M. de Bezons)[1] manda Du Cause en particulier, et, après lui avoir donné de grands éloges sur les services qu’il avait rendus à l’état, il lui parla de la belle fortune qu’il s’était ainsi assurée; il ajouta que cette fortune serait plus grande encore, s’il voulait déclarer qu’il avait aperçu,

  1. Voyez sur Louis Bazin de Bezons, qui dut en partie à sa servilité de nombreuses faveurs du gouvernement, la note de M. A. da Boislisle, t. V, p. 38, de son édition des Mémoires de Saint-Simon.