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la monarchie, que le chef du cabinet, M. Sagasta, M. Canovas del Castillo, d’autres orateurs, ont représentée comme la garantie de la paix et de la liberté de l’Espagne.

Le danger pour le ministère espagnol dans ces derniers débats n’est point venu, à vrai dire, de ce retour offensif des républicains. Il a été, il est peut-être encore dans des divisions de majorité, dans des scissions provoquées et aggravées par des questions qui remuent toutes les passions et tous les intérêts. Une de ces questions est celle de la convention de commerce avec l’Angleterre, que le gouvernement a tenu à faire ratifier par les cortès et qui devait inévitablement rencontrer une vive, une tenace opposition dans certaines provinces. Faire entendre raison aux Catalans, aux intérêts industriels accoutumés à une protection à outrance, n’était pas facile. La discussion a été aussi animée que prolongée au sénat comme dans le congrès, et, si le ministère a fini par obtenir dans les deux chambres le vote de la convention, ce n’est pas sans peine, ce n’est point surtout sans s’être exposé à susciter des mécontentemens qui pourront être exploités contre lui. Il a trouvé des adversaires dans son propre camp, et le vote, loin de trancher les difficultés, n’a fait qu’agiter les esprits à Barcelone et à Valence. Ce n’est pas tout. La discorde et la confusion se sont mises également dans les partis à l’occasion de quelques réformes proposées par le ministre de l’instruction et des travaux publics, M. Montero Rios, et surtout à propos du budget, où le ministre des finances, M. Camacho, a introduit des innovations de sa façon. M. Montero Rios, qui représente le libéralisme le plus avancé dans le cabinet, qui est un ancien radical, veut accomplir ses réformes; M. Camacho tient, en financier intraitable, à ses combinaisons, à son budget. Ce n’est pourtant guère le moment des longues discussions, on a hâte de quitter Madrid. Le président du conseil, M. Sagasta, en s’efforçant de faire patienter ses collègues, a essayé, d’un autre côté, d’obtenir une autorisation sommaire d’appliquer le nouveau budget; il a rencontré une assez vive opposition. La seule autorisation qu’on se soit montré disposé à lui accorder est celle de continuer l’application de l’ancien budget. De là des tiraillemens obscurs, des menaces de démission de quelques-uns des ministres, et une apparence de crise à Madrid.

C’est sans nul doute une situation assez compliquée, assez incohérente. Au fond, cependant, dût-il y avoir quelques changemens partiels, l’existence du cabinet libéral présidé par M. Sagasta ne semble pas pour l’instant sérieusement menacée. Ce qui a fait sa force à son avènement, au début de la régence, est encore ce qui le soutient. Il y a aujourd’hui à Madrid une sorte de conspiration de tous les partis, sauf les partis extrêmes, pour éviter une crise ministérielle. M. Castelar lui-même s’employait, il y a quelques jours, à calmer les impatiences