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d’autres encouragemens qu’un seul rayon : Coulmiers ; que la défaite ne lasse pas et qui veut espérer contre l’espérance même, peut bien rester attachée à tout ce qui fait le fond de son caractère. Tant d’autres y mirent moins de scrupules, et, vaincus dans les premiers jours, suspendirent tout au moins la lutte et se recueillirent pour réserver leurs forces. Lorsque nos armées régulières disparurent dans des désastres qui, par leur proportion, égalent les calamités bibliques, ce fut la continuation de la lutte avec un tronçon d’épée qui nous garda notre place dans le monde.

Pourquoi donc faut-il que le sens de cette résistance ait paru nous échapper au lendemain de nos revers? Tout peuple trop préoccupé de rejeter ses défauts, quand ils sont généreux et brillans, risque fort de perdre aussi ses qualités dans cette attitude de pénitence, et nous n’avons rien à gagner à revêtir le sombre habit du Poméranien, à engouffrer nos millions dans des travaux exclusifs de fortifications. — Nos couleurs sont celles qui, parmi tous les pavillons, s’aperçoivent le plus loin sur la mer: c’est qu’elles sont éclatantes et vivantes, et qu’elles forment bien un symbole.

Le bâtiment de combat tel que nous l’avons défini, en procédant d’une idée simple et primordiale, n’a pas besoin de la ruse pour faire la guerre. Il est bien l’expression des qualités que nous avons su affirmer à toute époque : la constance et l’élan. La protection du personnel n’y est pas généralisée et ne vient pas, par des dispositions excessives, déprimer le caractère de ceux qui le montent. L’énergie s’y accumulera dans des proportions que la sécurité de la base poussera aux extrêmes limites de l’exaltation héroïque. Les dimensions de ce vaisseau, quoique réduites, conviennent encore à la majesté d’un temple de l’honneur, où les vertus guerrières doivent être bien placées pour se conserver et se répandre : c’est une condition d’ordre et de tenue qu’il serait cruel de demander au bâtiment minuscule. Enfin, le dernier acte de la guerre sur mer, tel que l’imposera la nature de la lutte avec des machines de combat ainsi constituées, l’abordage succédant à la période qui l’aura préparé, est bien conforme au double don que nous revendiquons comme un apanage.

Vienne cette heure ! Et si notre défense nationale s’est mise en harmonie, sur terre et sur mer, avec le génie de la France, « le vent de quelque grande bataille viendra, suivant les expressions d’un orateur sacré, remuer cette terre fécondée par une si longue traînée de sang et fera tressaillir les os des morts des guerres malheureuses et des guerres heureuses. »


LEOPOLD PALLU DE LA BARRIERE.