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ainsi le temps à la guerre industrielle de faire sentir ses effets. A quelle nation faudrait-il demander d’attendre que ses croiseurs aient eu le temps de ruiner son ennemi pendant que le sol même serait insulté? La possession indiscutée des ports de guerre et de commerce est la base essentielle de la guerre sur mer, quel que soit le caractère qu’on lui suppose. En outre, la durée de la lutte ne pourra échapper à l’effet des impressions immédiates, de celles qui sont provoquées par des actes visibles. Et pour le sentir, nous n’aurions, en renversant pour un instant les rôles, qu’à supposer Cherbourg incendié pendant que nos croiseurs couleraient au loin Des bâtimens marchands. Les guerres de l’avenir seront courtes, et il arrivera ce qui s’est passé si souvent quand elles étaient longues : les combattans, placés le plus loin, apprendront que la paix a été signée autour de quelque tapis vert et que leurs destinées sont réglées sans qu’il ait été tenu grand compte de ce qu’ils avaient entrepris et de ce qu’ils mettaient tant d’ardeur à poursuivre.

Sans méconnaître le rôle des croiseurs et surtout l’influence de certaines diversions exécutées au loin, c’est donc sur les côtes des belligérans, c’est-à-dire à la base, que seront portés les coups qui décideront le plus rapidement de la durée des guerres sur mer. Nous sommes ainsi conduits à examiner la valeur respective des instrumens de guerre qui vont se trouver en présence : cuirassés complétés, spécimens du nouveau type, d’une part, et bâtiment représentant le nombre, l’invisibilité et la vitesse, d’autre part.

Du moment que la flottabilité de combat est immuable, tout tombe, tout s’évanouit, et l’engin du torpilleur est une arme émoussée. Que faire contre un bâtiment de guerre qui ne veut pas couler? Ces engins de destruction, hier encore si terribles, retomberont impuissans autour de lui et ne suspendront pas sa marche impassible. Ils ne l’empêcheront pas de pénétrer dans l’arsenal de l’ennemi, d’y porter la dévastation, d’en sortir indemne ; ou bien, grâce à son tirant d’eau diminué, d’aller braver son ennemi minuscule dans ses abris, de l’y réduire sous le leu de sa mousqueterie, de sa mitraille ou de ses hotchkiss, ou de le forcer à venir se briser contre lui. Quant aux pièces de 0m,14, elles ne pourraient lui faire tort que par la multiplicité de leurs coups lancés dans les embrasures ; mais quel effet auraient-elles sur la flottabilité, sur la protection de la machine, de la barre, du commandement, sur l’abri cuirassé à plaques épaisses où se meuvent ses grosses pièces ? Il n’y a rien là qui pourrait réduire le bâtiment de combat à assiette invariable.

Ici encore l’infériorité de l’ennemi est manifeste. Toute sa puissance offensive était fondée sur la petitesse et la vitesse, c’est-à-dire sur des qualités négatives et qui ne forment pas la force individuelle au moment de la rencontre. Du moment que le torpilleur ne détruit