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La marche de la nouvelle unité ne sera pas retardée d’une minute par l’explosion d’une torpille portée ou lancée, à la charge actuelle de fulmicoton, et il en sera de même pour tous les bâtimens à double coque s’ils sont protégés par l’obturation, l’élasticité et l’encombrement ; ce que leur système de construction rend praticable après coup. Il faut s’empresser de dire que l’action des torpilleurs reste entière sur toute la masse flottante, que l’étroitesse de ses formes ne permet ni d’obturer ni d’encombrer, et qu’elle reste très redoutable sur les bâtimens en grand nombre dont la protection ne pourra reposer que sur l’obturation sans l’encombrement. — La flottabilité de combat, sur le nouveau bâtiment de guerre et sur les anciens cuirassés dont la protection sera complétée, reste donc à l’abri des effets de destruction par la torpille, et c’est une disposition commune de défense contre les deux armes sous-marines qui sert à protéger le bâtiment de combat, dans son assiette, contre l’éperon et contre la torpille.

Les effets de l’explosion ne dépassant pas le deuxième matelas, la machine qui sera encore séparée de la limite de l’action des gaz par le troisième matelas, sera indemne si l’on observe les mêmes conditions que pour l’éperon, c’est-à-dire la suppression des corps non élastiques qui pourraient être projetés.

On peut dire que la protection de la machine sera d’autant plus grande que celle-ci sera éloignée des bords. À ce compte, le type le plus désirable au point de vue de la défense et à bien d’autres, est celui qui sera pourvu du système des trois hélices comportant trois machines, qui devait figurer en premier lieu sur le Brennus. La machine centrale sera alors placée dans des conditions véritablement inexpugnables.

Le gouvernail, qui est à l’abri des projectiles, reste exposé à l’attaque par l’éperon et par la torpille, et les bénéfices du mode de protection légère seront sans effet sur lui. Il en est de même pour l’hélice. Nous avons dit aussi que le coup droit par l’éperon entraînera une véritable dévastation. Enfin, les charges que l’on pourra accumuler dans la carapace des torpilles du fond, par des eaux peu profondes, produiront de tels effets de dispersion et de dislocation que toute protection deviendra alors vaine.

Les idées que nous exposons ne conduisent donc pas à une protection absolue. L’absolu ! Balzac a écrit sous ce titre l’un de ses plus beaux livres pour nous dire ce que la poursuite de ce rêve a de décevant, et ce ne sont pas les hommes de guerre qui le recherchent. Napoléon avait coutume de dire que sur cent chances dans ses batailles, il s’en donnait soixante-dix. Nous pouvons nous en tenir à ce point et essayer de le joindre.

L’exposé qui précède établit que la puissance offensive du bâtiment