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de son corps qui ne sera pas garantie, et pour employer l’expression populaire, il faudra qu’au milieu de cette tourmente il n’ait pas froid aux yeux. » d’après ce propos, qui fut redit quelquefois à cette époque, et, à défaut de plans, à moins qu’ils n’existent, il est possible de reconstituer le poste de commandement tel qu’il fut conçu par celui qui croyait aux béliers et qui voyait la plus forte expression de leur puissance dans la possession parfaite de la direction et de la manœuvre. Mais cet abri contre le boulet doit être complété, et c’est alors qu’apparaît la difficulté de concilier la vue et une protection suffisante.

Quant à la difficulté morale de la question, elle serait écartée par l’importance qui serait donnée de haut à ces recherches et par la consécration du concours; il est supposable aussi que les réflexions de courte vue seraient arrêtées sans réplique si les officiers chargés de tracer le programme et de le suivre étaient choisis parmi ceux qui comptent dans leur carrière des traits d’audace et de belles actions de guerre. Du reste, le poste du commandement n’est pas seulement le poste du commandant : il est fait pour recevoir le capitaine du vaisseau, son second, des officiers et quelques matelots de spécialité d’élite : c’est donc un groupe qui participe de tous les élémens du personnel du bord, et cette considération a sa valeur dans la circonstance.

Pendant le combat qui fut livré sur les côtes du Pérou, le commandement du Huascar changea, comme on sait, quatre fois de main : le capitaine, l’officier en second, le premier lieutenant, le second lieutenant, furent tués et ne gardèrent chacun la direction du combat que pendant quelques minutes. Ce sont cependant là des enseignemens dont nous pouvons faire notre profit lorsque la France établit à si haut prix sa puissance sur mer. On a souvent cherché des termes de comparaison entre certaines parties du bâtiment de guerre et la structure du corps humain, et les Anglais, qui mettent l’orgueil de leur nation dans leurs murailles flottantes, appellent le bâtiment de combat « un homme de guerre. » Laisser flotter dans le vague la question de la protection du poste de commandement, c’est s’exposer à nous laisser frapper à la tête et au cœur.

Cette question s’impose et commande une composition spéciale de l’état-major du bâtiment de combat. Quelle que soit la solution destinée à intervenir pour cette partie de la protection, on peut avancer qu’elle ne sera pas absolue : l’éventualité de la succession du commandement doit y être prévue et doit faire l’objet d’une préparation incessante. A cet effet, il est indispensable que le premier officier et celui qui-le suit, aient passé par l’épreuve du commandement à la mer, où nul ne s’improvise et que rien ne supplée : ni les qualités natives, ni la science. La valeur morale de l’unité de combat ne pourra que s’élever par cette préparation des