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pas celle qui convient à l’individu, et c’est une triste destinée pour un petit peuple que d’avoir raison et d’être battu. Nous n’engagerions pas la marine du faible à se heurter, avec une arme à prix réduit, contre cette unité de combat qui est à la fois si souple et si forte. Rien ne suspendra sa marche. — La force conservera donc son empire, et, comme autrefois, les nations puissantes pourront abuser de l’arme que leur richesse placera dans leurs mains. Il reste cependant, au moment où nous sommes, la question de vitesse dans l’exécution, et c’est bien là l’instrument que nous voudrions voir saisir par la nation dans laquelle se sont incarnés si souvent la force et le droit. Voici, pour descendre dans le champ de la réalité où l’action se prépare, voici quelle est la figure dessinée à grands traits, de ce chevalier armé :

Les deux plus grands cuirassés de la marine française s’appellent : l’Amiral-Baudin et le Formidable. Ce sont deux ménechmes, car on ne peut compter comme une différence réelle un écart de 61 tonnes sur des poids de plus de 11 millions de kilogrammes. Le premier a été lancé en 1883, le second en 1885. C’est le nom de l’amiral Baudin que nous inscrirons dans le travail de comparaison qui va suivre.

Ce nom évoque, pour bien des marins, un souvenir de la vingtième année. Ce fut à Naples que nous vîmes cette grande figure, qui nous semblait la personnification des combats sanglans livrés pendant le premier empire. Nous savions que l’officier mutilé, mis en demi-solde en 1815, s’était fait capitaine marchand, ensuite armateur, jusqu’au jour où, renversé par des désastres qui avaient ébranlé la place du Havre, il était rentré dans le corps où il devait atteindre la plus haute dignité militaire. Tous ces événemens composaient une vie extraordinaire à la Duguay-Trouin qui nous semblait contenue difficilement dans l’Annuaire correct de la marine.

Le Formidable fait sonner quelque chose de la redondance espagnole ; l’Amiral-Baudin évoque une figure qui a vécu, celle d’un chef de guerre d’une originalité puissante. Nous irons donc chercher dans le cuirassé d’escadre l’Amiral-Baudin la force de l’artillerie, la vitesse et le rayon d’action, et nous appliquerons ces élémens à un bâtiment qui sera doué de la flottabilité de combat.

Les chiffres disposés en tableau comparatif vont parler d’eux-mêmes. Est-il nécessaire d’ajouter que, sauf pour l’Amiral-Baudin, Dont le devis a été déjà l’objet de bien des études, les chiffres qui représentent la distribution des poids à bord du bâtiment de combat à assiette invariable ne sont pas rigoureux et donnent seulement des indications sur la proportion générale ? Mais ces rapports sont justes et ils suffisent pour établir que le type du bâtiment allégé