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d’une valeur en moyenne de 80 francs la barrique : prix réduits depuis trois ou quatre ans, mais qu’on ne peut regarder comme passés sans retour. La nouvelle Évaluation du revenu foncier des propriétés non bâties, faite par le ministère des finances, porte toutes les contenances culturales, de l’Indre-et-Loire, à une valeur vénale de 1,122,890,235 francs, total qui se décompose, comme valeur à l’hectare, en terres labourables, valant 1,693 fr. 59 ; prés et herbages 4,003 fr. 63 ;’vignes 4,067 fr. 09 ; bois 1,081 fr. 90, c’est-à-dire, sur l’évaluation de 1851, une augmentation proportionnelle de 84 fr. 80 par hectare. On peut en tirer en définitive des conclusions favorables, réserves faites, quant à l’excessive recherche qui a surenchéri la terre, et quant à la date des évaluations de ventes et de revenus, établies à une époque et sur des baux antérieurs aux épreuves récentes.

Ce témoin du passé, justement frappé de ces progrès, ne serait pas moins amené à reconnaître ce qui fait défaut et à faire la part aux plaintes légitimes. Les charges restent grandes. Elles ressortent, pour le département d’Indre-et-Loire, en moyenne à 10 pour 100 du produit net pour l’impôt foncier proprement dit, auquel il faut ajouter les prestations en nature, et la cote payée pour les chevaux attelés et non attelés. L’impôt ne serait pas moins de 15 pour 100 du revenu net à payer à l’état pour les terres de qualité inférieure, de 20 pour les prairies, les vignes et pour les bonnes terres. On reconnaît en outre que la culture intensive tient encore trop peu de place. L’outillage agricole a gagné, moins pourtant que le reste, et le drainage, l’irrigation, n’ont guère fait de progrès. L’emploi des mécanismes perfectionnés se borne trop aujourd’hui même, à peu près, outre le battage, à la coupe des herbes, au fanage et à la moisson. Il y a aussi à faire pour le crédit agricole. Les chemins vicinaux manquent sur quelques points. Les communaux existent en trop grande quantité dans beaucoup de communes, comme celles de Chinon, Azay-le-Rideau, l’île Bouchard, et sont laissés à l’état de vaine pâture, tandis que d’autres communes ont pris le sage parti de les affermer en détail et en tirent un revenu important. Ces remarques, et il nous en serait facile d’en joindre d’autres, indiquent un état imparfait qui trace au XXe siècle tout un programme d’améliorations. Mais je n’estimerais pas après tout trop malheureux le sort de la Touraine, si un de nos contemporains, revenant y jeter un regard dans cent ans, y trouvait les progrès accomplis dans la même proportion que depuis un siècle.


HENRI BAUDRILLART.