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expressions laissent croire que Constance appartenait à ce groupe d’esprits éclairés, qui, du milieu même du polythéisme, et sans rompre tout à fait avec les opinions populaires, s’étaient élevés jusqu’à concevoir l’unité de Dieu. On comprend que ces croyances larges et épurées l’aient disposé à la tolérance pour tous les cultes ; il se peut même qu’elles lui aient inspiré une estime particulière et une sorte de penchant pour les chrétiens ; mais que ce penchant ait jamais pris la forme d’une adhésion complète et publique au christianisme, c’est ce qu’il n’est pas possible d’imaginer. Les écrivains chrétiens l’auraient dit d’une façon plus précise ; ils se seraient glorifiés de la conversion de Constance, comme ils ont fait de celle de Constantin ; et de leur côté les païens laisseraient percer quelque rancune contre un prince déserteur de leur foi. Au contraire, ils ne cessent de le combler d’éloges et de vanter sa piété comme ses autres vertus. Quand Constance Chlore mourut, le sénat lui accorda les honneurs de l’apothéose : c’était l’usage, et les empereurs chrétiens eux-mêmes n’y ont pas échappé ; mais il semble qu’on ait eu plus de confiance en ce Dieu que dans les autres qui avaient été faits de la même manière. Cette figure du pâle empereur, qui passa sa vie à se battre avec courage et à bien administrer ses états, qui n’entra jamais dans aucune intrigue politique, qui s’abstint de toute répression cruelle et fut paternel et bon pour tous ses sujets, convenait à l’Olympe, et nous voyons qu’on l’invoque d’ordinaire avec un accent de sincérité qui ne se retrouve pas dans les étalages de dévotion officielle dont les rhéteurs sont si prodigues.

Constantin se trouvait donc être, pour ainsi dire, de naissance un ami des chrétiens ; l’exemple de son père le portait à leur être bienveillant. Il fréquenta sans doute dans sa jeunesse quelques-uns des prêtres et des évêques dont Eusèbe nous dit que Constance s’entourait volontiers ; il connut de bonne heure leurs croyances et put se familiariser avec elles. Il est vrai que Dioctétien le fit bientôt venir chez lui : comme il voulait remplacer l’hérédité par l’adoption, il ne lui convenait pas de laisser les fils des césars jouer auprès de leurs pères le rôle d’héritiers présomptifs. A la cour du premier des augustes, Constantin trouvait d’autres principes de gouvernement, il avait d’autres exemples sous les yeux. Mais il n’est pas probable que ces exemples et ces principes aient effacé de son esprit les impressions qu’il avait reçues pendant qu’il habitait la Gaule. Quoiqu’il fût traité avec de grands égards par l’empereur, il se considérait sans doute comme un prisonnier, au moins