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de le rencontrer, soit au milieu de ses troupes, soit près des tombeaux de marabouts aux environs de Fès. Au moment où nous étions dans cette ville, il s’apprêtait à la quitter pour se rendre dans une autre de ses capitales, Mekhnès, et il est d’usage qu’il ne le fasse pas sans être allé en pèlerinage aux sépultures saintes qui sont en si grand nombre dans la cité de Moula-Édriss. J’ai donc pu me rendre plus exactement compte du cérémonial dont il est entouré. Le sultan du Maroc ne ressemble en rien à celui de Constantinople; il ne vit pas, craintif et sombre, enfermé dans son palais; il n’a aucune raison de ne pas se montrer à son peuple, et s’il en avait, son caractère réellement courageux le porterait très vraisemblablement à braver le danger plutôt qu’à reculer devant ses menaces. Non seulement donc, Moula-Hassan va tous les vendredis à la mosquée, comme Abdul-Hamid, mais on le voit presque tous les jours dans son camp, ou sur un champ de manœuvres, occupé à surveiller ses soldats ou à prendre part aux exercices d’artillerie. Quatre fois par an, il assiste à de grandes fêtes publiques qui durent chacune sept jours, le nombre sept étant un nombre fatidique pour les musulmans. Ces fêtes se nomment hédia, ce qui signifie exactement offrandes, et ce nom leur vient de ce qu’elles servent en effet de prétexte pour apporter au souverain des dons plus ou moins volontaires qu’on dépose cérémonieusement à ses pieds. Il y a l’Haïd-seghir, qui a lieu après le ramadan, l’Haïd-kebir, la fête du mouton, le Mouloud, anniversaire de la naissance du Prophète, enfin l’Achour, ou la fête du nouvel an. Le premier jour de chaque hédia, le sultan, entouré de sa cour et de ses soldats, paraît en pleine campagne ; c’est là qu’il reçoit les délégués des tribus qui lui apportent des présens; les autres six jours, il se tient, avec tout son cortège, dans une cour de son palais. Il marche toujours, comme dans les réceptions d’ambassade, au milieu d’un groupe de méchouaris, dont les uns portent des lances et les autres de grands foulards blancs qu’ils agitent dans l’air pour chasser les mouches ; un grand parasol est tenu sur sa tête ; le parasol est un signe de la souveraineté, et personne n’a le droit d’en avoir à côté de lui ; il n’est même pas convenable de se servir d’une ombrelle dans une ville où réside le sultan. Lui seul aussi est à cheval, sauf dans les fêtes militaires, où naturellement les cavaliers ne peuvent manœuvrer qu’à la condition d’être sur leurs montures. Enfin, il est toujours précédé de six chevaux sellés et bridés, ce qui fait, en comptant celui qu’il monte, sept, le nombre fatidique; même dans les simples promenades, ces six chevaux sont toujours à leur place. On remise la petite voiture, don des souverains européens, qui ne fait partie que des très grandes fêtes à cérémonial complet.