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tribuent, comme nous l’avons montré, à grossir l’émotion et à lui donner son caractère de trouble physique, presque de maladie nerveuse. Si je vois un animal féroce, il se produit sans doute en moi des effets réflexes résultant de l’organisation héréditaire des nerfs, mais il y a aussi, avec l’idée rapide d’un danger, l’émotion psychique immédiatement consécutive à cette idée. Émotion et représentation s’accompagnent et sont également liées toutes les deux à des mouvemens cérébraux, qui ne font que s’étendre ensuite et se propager en s’accroissant : l’esprit n’est pas du côté de l’intelligence et le corps du côté de l’émotion : esprit et corps sont toujours ensemble et partout. Nous ne saurions donc admettre que nos émotions aient pour seuls élémens, d’abord des perceptions d’objets extérieurs, indifférentes par elles-mêmes, puis des perceptions de mouvemens réflexes provoqués dans notre corps par ces objets, car, si ces perceptions de mouvemens sont elles-mêmes indifférentes, comment leur combinaison produira-t-elle une émotion agréable ou pénible ? Et, si elles sont agréables ou pénibles, pourquoi d’autres sensations, comme celles de la vue, de l’ouïe, de la température, du sens vital, etc., ne contiendraient-elles pas aussi un élément agréable ou pénible ? Pourquoi faire du plaisir et de la douleur le privilège exclusif des sensations répondant à nos mouvemens réflexes, au lieu d’y reconnaître un élément fondamental et général de toute sensation ? La théorie de M. James est un mélange inadmissible d’intellectualisme et de mécanisme : des perceptions tout intellectuelles et des perceptions de mouvemens corporels ne suffiront jamais à expliquer, par leur mélange, l’émotion de plaisir ou de douleur. Nous maintenons donc le caractère original de cette émotion. Pour nous, les mouvemens corporels dont elle est le corrélatif mental ne sont pas seulement les mouvemens réflexes, mais bien tous les mouvemens qui intéressent la vie physique ou intellectuelle, tous ceux qui peuvent, à un degré quelconque, précipiter ou ralentir le cours de la vie sous toutes ses formes. Dès lors, nous ne saurions admettre que les sentimens soient de simples réverbérations de mouvemens automatiques et qu’ils soient dépourvus de toute influence véritable sur la production des mouvemens mêmes.


Dans une étude ultérieure, nous oserons regarder pour ainsi dire en face ces « mouvemens réflexes » qui sont devenus, pour les partisans de l’automatisme, une sorte de Deus ex machina ; nous nous demanderons si, au lieu d’être le principe des émotions et des appétits, ils ne sont pas, au contraire, de l’émotion refroidie, de l’appétit fixé et devenu mécanique. Dès à présent, nous avons le droit de conclure que les actes réflexes, conçus comme pure-