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ESSAIS
D'HISTOIRE RELIGIEUSE

II.[1]
LA CONVERSION DE CONSTANTIN

La conversion de Constantin est l’un des événemens de l’histoire qui a soulevé le plus de controverses et sur lequel on parvient le moins à s’entendre. Est-ce à dire qu’on doive renoncer à l’étudier, et qu’il soit de ceux sur lesquels on ne saura jamais la vérité ? Je ne le crois pas. D’abord on ne peut pas prétendre que les documens nous manquent pour le connaître. Il est vrai qu’ils ont le grave inconvénient de venir tous du même côté : les victorieux seuls ont la parole, les vaincus sont restés muets. A l’exception de Zosime, aucun historien païen n’a l’air de savoir qu’un jour l’empereur ait changé de religion. Au contraire, les chrétiens, qui naturellement étaient très fiers d’une conquête si belle, racontent volontiers comment ils l’ont faite. Un de leurs écrivains les plus illustres, Eusèbe de Césarée, nous en a même laissé deux fois le récit, et son témoignage pourrait à la rigueur nous suffire, si, pour bien des raisons, il n’était suspect à beaucoup de personnes. L’homme est de ceux qui manquent un peu d’autorité et dont le caractère n’impose pas la confiance. La vie qu’il a écrite de Constantin est pleine de détails curieux, mais elle a des airs de panégyrique qui nous inquiètent.

  1. Voyez la Revue du 15 février.