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ce qui a gardé dans l’histoire le nom de « troisième coalition. » M. de Metternich n’avait pas réussi; mais cette mission de deux années avait été pour lui une première, une instructive expérience des affaires sérieuses et l’avait introduit dans la diplomatie européenne. Il avait vu de près la politique prussienne, cette politique mêlée d’ambition, de duplicité et de faiblesse ; il savait ce qu’on en pouvait attendre, comment il fallait traiter avec elle. Il avait eu aussi l’occasion de voir, pendant ces deux années, bien des hommes qu’il devait retrouver plus tard, M. de Hardenberg, M. de Wintzingerode, le prince Adam Czartoryski, même quelques représentans de la France, avec qui il avait toujours gardé des rapports de politesse qui avaient attiré l’attention de M. de Talleyrand. Il avait surtout rencontré pour la première fois l’empereur Alexandre Ier qui lui témoignait aussitôt une extrême confiance, qui le traitait en ami, et avec qui il avait noué dès lors des relations presque intimes, destinées à passer par bien des phases diverses.

Mêlé à tout ce monde européen et diplomatique, pour lequel il était fait, M. de Metternich le jugeait visiblement sans beaucoup de profondeur, mais avec aisance, avec finesse. Cette mission, en un mot, avait été pour lui un apprentissage à la fois malheureux et heureux. Il avait échoué dans ses négociations, il avait réussi comme homme : il s’était signalé pour un plus vaste théâtre. Qu’avait-il d’ailleurs à faire désormais à Berlin, où, comme il le disait, a tous les ressorts étaient brisés? » Il avait été désigné d’abord pour aller comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg, où l’empereur Alexandre le désirait, lorsque, changeant brusquement de destination, il était appelé à représenter et à servir l’Autriche à Paris même, dans les conditions nouvelles créées par la paix de Presbourg. « En réalité, a-t-il dit dans ses Mémoires, c’est à Paris seulement que commença ma vie publique. »


III.

C’est qu’en effet là était maintenant la puissance, là se décidaient les destinées de l’Europe. La paix de Presbourg, qui venait d’être signée deux mois après les affaires d’Ulm, vingt-cinq jours après Austerlitz, inaugurait un ordre étrangement nouveau. Elle réduisait la maison de Hapsbourg au titre impérial d’Autriche ; elle en finissait avec ce qui restait de l’ancien empire d’Allemagne, du saint-empire, qui allait être remplacé par une « confédération du Rhin, » sous la protection de Napoléon ; elle transformait les principautés électorales de Bavière et de Wurtemberg en royautés, Bade en grand-duché, et tous ces changemens, œuvre de la dernière guerre, étaient l’éclatante manifestation de la prépondérance française. Paris