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de la république, de rechercher les causes de ce réveil des forces conservatrices dans près d’une moitié de la France. Ils se seraient demandé sans parti-pris ce qui avait blessé, détourné ou aliéné l’opinion. Ils se seraient dit surtout que puisqu’on allait à des élections nouvelles des conseils généraux qui, sans avoir la portée d’une élection de parlement, ont cependant leur importance, ils n’avaient rien de mieux à faire que d’employer le temps qui leur restait à désarmer prudemment les hostilités, à rassurer le pays dans ses sentimens et dans ses intérêts. C’était la politique de la raison, de la prévoyance. Au lieu d’agir ainsi, les républicains, majorité et ministère, n’ont trouvé rien de mieux que de ne pas songer au pays, qui pouvait probablement attendre, de passer leur temps à chercher qui ils pourraient atteindre de leurs ressentimens et de leurs représailles. A quoi a-t-elle servi, en effet, cette triste session qui finit ? Les républicains du gouvernement et du parlement, nous en convenons, ont répondu à leur manière au scrutin d’octobre. Ils ont invalidé sommairement, par vengeance de parti, des élections, et après avoir commencé par invalider des élections de députés, ils ont fini par expulser des princes. Ils ont montré qu’ils étaient encore la majorité en abusant de la domination : c’est tout ce qu’ils ont su faire !

Ils n’ont pas en même cette vulgaire habileté d’avoir l’air de s’occuper des intérêts publics, de chercher à atténuer leurs violences de parti par des apparences de concessions, par un semblant d’égards pour l’opinion. — Le pays a certainement témoigné le désir de voir la paix renaître dans les affaires morales et religieuses : M. le ministre de l’instruction publique lui a répondu en poursuivant passionnément le vote d’une loi de secte qui ne respecte ni les plus simples droits de la conscience, ni les plus modestes prérogatives des conseils municipaux. Jusqu’à la dernière heure, M. le ministre de l’instruction publique s’efforce d’obtenir ce vote de la passion d’une chambre qui ne sait plus ce qu’elle fait. — Un sentiment presque universel a sollicité l’ordre et l’économie dans nos finances : on s’est hâté de voter un emprunt de 900 millions qui ne remédie à rien, qui n’est qu’un expédient de plus. On n’a pas même trouvé le temps de songer au budget, qu’un républicain devenu un peu morose à l’égard du ministère, M. Jules Roche, appelait récemment « un oublié ! » On laisse dans nos finances la plaie d’un déficit qui s’accroît par la diminution incessante des recettes, qui est déjà de près de 50 millions et sera de 100 millions avant la fin de l’année. — L’agriculture se plaint depuis longtemps d’une véritable détresse et réclame au moins quelque appui, quelque soulagement : les tacticiens de la chambre ont épuisé leur art pendant quelques jours à arrêter au passage une loi de protection agricole qui a fini par sombrer malgré les efforts méritoires