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experte aux mascarades pédantesques. De cette jolie mythologie à la française et de son luxe délicat il ne restera rien pour les yeux. La grâce des vers, en désaccord avec une mise en scène prétendue antique, devra nous suffire : on espère que Psyché, présentée de la sorte, nous sera un nouvel Amphitryon. Mais Amphitryon, même à l’origine, plut par autre chose que par deux « machines volantes, » abaissées pour le prologue et pour le dénoûment. Psyché, en elle-même, a-t-elle autant de ressources ? Il s’en faut de beaucoup. Elle nous fait souvenir de ce modèle unique par le malicieux badinage de ce premier acte, où paraissent d’abord les sœurs de l’héroïne, véritables princesses de conte de fée, envieuses comme on l’est dans la Belle et la Bête ; ensuite, au troisième acte, par le spirituel entretien de l’Amour, ce Prince Charmant, et de son valet Zéphire : — voilà pour Molière ; — aussitôt après, par la déclaration tendrement ingénue de Psyché à l’Amour, et par la réplique tendrement jalouse de l’Amour à Psyché : — voilà pour Corneille ; — enfin, de-ci de-là, dans toute la pièce, par quelques traits d’enjouement et de sentiment, par la souplesse et la légèreté du langage, par le tour de tel couplet et par sa cadence. On prend plaisir, d’ailleurs, à voir le vieil auteur d’Horace manier ce frêle outil, le vers libre, et le manier si bien qu’on reconnaît à peine le moment où l’ouvrage passe des mains de Molière dans les siennes : en ce point, « barbare » rime avec « mystère, » voilà tout ; si M. Maubant déclamait le rôle de Psyché, on ne s’apercevrait pas du changement. — Mais ces menus agrémens, à travers cinq actes de mythologie héroïco-galante, est-ce de quoi nous tenir enchantés ? Après l’expérience qu’on a faite récemment d’un seul acte, — et c’était le troisième, — la réponse n’est pas douteuse. On a écouté ce morceau avec un respect à peine tiède ; on entendra presque tout, si vraiment ce tout est repris, avec une glaciale indifférence.

De l’Illusion comique je ne parle que pour mémoire : on a joué les trois premiers actes, une fois seulement, à l’Odéon, devant de rares spectateurs, qui, sans s’inquiéter de comprendre la pièce, riaient des grands bras et de l’accent gascon du capitan. On ne pense pas à remonter autrement l’ouvrage : on a raison. Ce n’est pas qu’on ne puisse être séduit par l’idée de nous offrir un Corneille inconnu, un Corneille antérieur au Cid, romanesque, plaisant, et déjà disposé à l’héroïsme. Faire tinter à nos oreilles le curieux récit des aventures de Clindor, menant la vie de bohème aux alentours du Pont-Neuf ; faire éclater les beaux vers burlesques et presque tragiques du rôle de Matamore ; lancer sur la scène la brave et pimpante Lyse, — patronne de Lisette, — qui, trois quarts de siècle à l’avance, mène un complot digne des Folies amoureuses ; montrer ce cavalier et sa belle, qui, deux siècles avant Marion Delorme, savent si bien s’évader de prison ; et ces comédiens