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obéissant à une méthode parfaite. Les lieux préférés sont les pentes des terrasses et les berges des rivières ; là, se mettant à l’ouvrage dans les temps où le sol est humide, elle déblaie le terrain à l’aide du râteau de ses antennes-pinces, et le trou cylindrique commence à se dessiner. Sur les parois, des espaces manquent-ils de cohésion, un éboulement est-il à craindre, aussitôt, la bête, qu’on croirait sortie d’une école d’ingénieurs, consolide les parties avec de la soie et tisse par couches successives la jolie tenture satinée dont la demeure doit être ornée. Elle poursuit ainsi la besogne tant que la profondeur déterminée n’est pas atteinte. Le tube construit, la maçonne tend au-dessus de l’ouverture une petite toile, et y fait adhérer des grains de la terre qui se trouve à sa portée. Une nouvelle nappe soyeuse est tendue, une seconde couche est formée ; les couches se succèdent jusqu’à ce que la trappe ait l’épaisseur requise. Alors, elle rase les bords pour rendre les contours bien nets ; la porte est achevée. A prendre tel ou tel nid de la cténize maçonne ou de la cténize pionnière, certes, chacun dira : C’est un admirable objet. A comparer un grand nombre de nids de la même espèce, on aperçoit des différences notables dans la valeur de l’ouvrage. Parmi ces constructions il en est dont le travail est irréprochable ; c’est la perfection dans le sens absolu. D’autres sont relativement d’un travail moins fini ; ce sont des édifices plus grossiers. Chez ces araignées en possession d’un art raffiné, comme ailleurs, il est des individus plus adroits, plus habiles, plus distingués. De temps à autre, on rencontre des nids ayant deux portes et deux vestibules ; à la plupart de ces constructions à double entrée, une des trappes est condamnée. La propriétaire, une fois installée, aurait-elle reconnu des inconvéniens dans la place affectée à la sortie ? Moggridge ayant remarqué que les nids à double porte sont toujours construits par de jeunes individus, on pensera peut-être que ces individus, manquant encore d’expérience, ne choisissent pas du premier coup la situation la plus avantageuse. On vit parfois la demeure d’une cténize augmentée d’une branche ascendante ne s’ouvrant pas à la surface du sol, mais pourvue d’une porte intérieure, séparant la petite chambre de l’habitation principale. Dans l’opinion de l’observateur, c’est un moyen de défense. A supposer le domicile envahi par un lézard ou un mille-pieds, l’araignée lui ferme la porte au nez en se réfugiant dans la petite chambre. Elle se met ainsi en sûreté contre l’animal vorace, sans doute déçu en trouvant la maison vide. Elles prennent pourtant des précautions infinies, ces araignées maçonnes, pour ne pas être découvertes. En certaines localités, la surface des trappes, inégale et d’aspect rugueux comme le sol qui environne, dissimule l’entrée de la retraite. En d’autres lieux, ces bêtes