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raide, perdraient beaucoup à se mesurer avec l’épéïre des jardins, qui, dans toutes les attitudes, manœuvre sur un fil d’une ténuité idéale avec une aisance et une agilité qui défient toute comparaison. Après la pose de la corde aérienne, de nouveaux points d’appui étant choisis sur les branchages, des fils tendus ne tardent pas à constituer un cadre polygonal. Ce travail exécuté, l’araignée remonte sur le pont qui a été jeté tout d’abord, et, s’arrêtant juste au milieu, comme si elle calculait à la manière d’un géomètre, elle se laisse choir, la tête en bas, suspendue à un fil que doit partager en deux le cadre polygonal. Au point central est établi un petit flocon soyeux qui sert d’appui à tous les rayons, divergeant entre eux, jusqu’à la périphérie, d’une façon absolument régulière. La trame est faite ; une dernière opération va s’accomplir. Un fil agglutinant doit être collé sur les rayons et former une véritable spirale. L’épéïre vient au centre de la toile, tire le fil, qu’elle attache au flocon soyeux et passe de rayon en rayon, décrivant des cercles jusqu’au cadre extérieur. Elle terminera le travail en marchant de la circonférence vers le centre, afin d’interposer de nouveaux cercles entre les premiers, impossible de réaliser plus savante combinaison pour obtenir un réseau charmant, une dentelle d’une admirable perfection. Des accidens surviennent aux toiles de notre épéïre : la rafale de vent, pendant l’orage ; le coup d’aile de l’oiseau, lancé à la poursuite d’un insecte, les mettent hors d’usage. L’habile fileuse n’est sans doute que médiocrement affectée d’un tel désastre ; en moins d’une heure elle aura construit un nouveau réseau. C’est dans les circonstances où la toile a subi un simple accroc qu’elle montre les ressources de son intelligence ; on la voit faire la reprise convenable avec une sûreté qui attire à l’ouvrière la considération de l’observateur. Pour l’exécution d’ouvrages exigeant la précision, des outils particuliers sont nécessaires ; aussi, les crochets qui terminent les pattes de l’épéïre offrent-ils une complication beaucoup plus grande que chez les autres araignées. Un des crochets est fendu ; c’est une fourche qui permet à l’artiste de retenir ses fils et de les poser où il convient.

Dans l’attente, l’épéïre se tient au centre de la toile, la tête en bas. Un insecte vient-il se heurter au piège, elle se précipite sur le gibier, qui tout aussitôt, par un fil, se trouve maintenu et lié de façon à ne pouvoir échapper. A la fin de l’été, la fileuse de nos jardins, effectuant sa ponte, emprisonne ses œufs dans un cocon formé d’une soie différente des deux sortes de matière textile qui entrent dans la constitution de la toile. La pauvre mère, qui doit mourir en automne, prend soin de cacher le berceau de sa progéniture dans un endroit aussi abrité que possible. Les jeunes sujets, éclosant