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surveillance près de son cocon, oubliant de se nourrir. Quand les jeunes se sont éloignés de leurs berceaux, l’araignée, amaigrie, remonte sur sa toile, reste attentive à saisir toute proie afin de se réconforter ; alors les mouches tombent en nombre et leurs cadavres jonchent le sol. Notre tégénaire n’habite que rarement les lieux préférés de tant de créatures, les trous des rochers, les creux des vieux arbres. Il est des espèces du même genre, vivant toujours à l’air libre, dans les pays où la température n’est jamais rigoureuse, le midi ou le centre de l’Europe, qui, sous les climats froids comme aux pays Scandinaves, s’insinuent dans les maisons ; les bêtes bien avisées comprennent qu’il faut se mettre à l’abri du froid pour être agréablement logées.

Habitans des villes, tout fiers de la possession d’un hôtel ou d’un appartement qui charme par la tenue irréprochable, ne vous indignez pas d’une communauté d’existence avec les araignées. A la campagne, on apprécie le rôle de ces filles d’Arachné. Dans les chambres et dans les étables, on ne s’avise ni de les détruire, ni de les déranger. Les mouches, partout si incommodes, sont une perpétuelle cause d’ennui pour les populations et de tourment pour les animaux. Dans les toiles périssent les mouches ; le nombre de ces insectes désagréables s’en trouve diminué d’une manière très sensible, et la bonne fermière s’écrie : Vraiment, les araignées sont de précieux serviteurs donnés par la nature.


III

En la belle saison, par une journée claire et ensoleillée, dont le charme est troublé par l’énergie du vent, flottent dans l’air de longs fils et même des flocons tout blancs comme la neige. Parfois, couvrant les herbes des prés fleuris, ils ondulent sous la brise, et produisent dans la verdure des miroitemens du plus étrange effet. Les citadins en promenade qui voient ces fils s’accrocher à leurs vêtemens se demandent d’où ils viennent. Interrogée, la jeune paysanne répond sans hésiter : Ce sont les fils de la Vierge. Avec plus de vérité, le naturaliste dirait : Ce sont les fils comme abandonnés au hasard par certaines araignées fort communes dans les prés et dans les champs et qu’on appelle des thomises. Errantes pour les besoins de la vie et pour les exigences des amours, les thomises se tiennent sur les plantes basses et même sur les arbrisseaux ; araignées de petite taille, recherchant la vive lumière, elles ont de fraîches couleurs qui parfois se confondent avec celles des fleurs et les dissimulent aux convoitises des animaux carnassiers. Les thomises ont des mouvemens brusques, et rapides, et une