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hauteurs et l’on crut qu’elles voulaient prendre leur part du concert. C’est loin sans doute de la réalité. Les toiles éprouvent des trépidations sous le choc des ondes sonores : les fileuses, remplies d’inquiétude, quittent la place et courent au hasard, affolées par la peur.

Au-dessous du front s’avancent deux grosses pièces armées d’un crochet mobile ; ce sont les antennes-pinces, qui logent une glande vénénifique avec son conduit aboutissant près de la pointe du crochet. Tous ceux qui ont regardé l’araignée prenant une mouche auront remarqué comment elle s’empare de sa victime et la pique de façon à la tuer avant de la porter à sa bouche. Au bord de l’orifice buccal de ces êtres qui vivent de matières fluides n’existe qu’une simple languette, et en arrière deux palpes, sortes de pattes-mâchoires toujours très développées.

Tout le monde sait, croyons-nous, que les araignées ont quatre paires de pattes, ce qui les différencie bien nettement des insectes, où il n’y en a jamais plus de trois paires. A l’extrémité, ces membres supportent des crochets, et ces crochets, chez la plupart des espèces, sont des instrumens de travail d’une étonnante perfection. On jugera de leur valeur quand bientôt nous allons voir à l’œuvre nos admirables ouvrières. Le corps et les membres sont couverts de poils, de fin duvet, d’épines plus ou moins fortes. Ce sont des organes de tact, parfois d’une exquise sensibilité, implantés dans la peau ; poils, épines et duvet transmettent les impressions reçues par le moindre attouchement. A soumettre au microscope les poils fins d’une araignée, on éprouve des surprises. Ces duvets, qu’on distingue à peine à la vue simple, se montrent tout frangés, tout barbelés ; volontiers, on les prendrait pour des plumes d’une incomparable délicatesse. En considérant la netteté habituelle du vêtement, qui retiendrait si aisément les grains de poussière, on demeure assuré que les araignées ne le cèdent à personne au monde pour les soins de la toilette. Leurs longues pattes munies de griffes rendent un office qui ne laisse rien à désirer. A l’extrémité du corps, se trouvent des tuyaux articulés, mobiles ; la paroi est solide, résistante, le bout est tronqué avec une surface membraneuse, criblée de trous. C’est par ces ouvertures microscopiques que s’échappe la liqueur qui, durcie au contact de l’air, devient le fil propre à la confection de la toile ou du cocon. Ce fil, qu’on prend en exemple pour la finesse, est donc formé de nombreux brins qui s’accolent au sortir de la filière. Par l’égalité, la délicatesse, la résistance, le fil d’araignée offre des qualités incomparables. L’astronome, afin de multiplier ses observations au passage des étoiles devant l’objectif, divise le champ de la lunette au moyen de fils dont les distances