Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’entendre, entre le gouverneur espagnol et les chefs du complot, le premier remit à Van den Enden une feuille de papier où son homme de confiance, Dimottet, avait écrit ces mots : « Deux millions, c’est trop, un suffira ; encore pour cela faut-il en écrire en Espagne. Cependant on donnera cent mille livres ou en argent ou en lettres. On fournira les six mille hommes, qui obéiront au général comme si c’étaient ses propres soldats, et l’on donnera des armes, et la moitié de ce que l’on demande suffira. On fera revenir la moitié de l’armée navale qui est dans la Méditerranée, du consentement de M. le prince d’Orange. M. le comte de Monterey se charge de la pension de M. de Rohan et de celle de Latréaumont. La paix ne se conclura pas sans y comprendre M. de Rohan, Latréaumont et les autres engagés dans le traité, pour la conclusion duquel il faudra envoyer deux gentilshommes avec le plan de Quillebeuf. Le comte de Monterey s’engage à retenir les armées sur la frontière de Flandre, pour donner de la jalousie. » La note ici mentionnée se terminait par des félicitations à l’adresse du chevalier de Rohan pour la généreuse résolution qu’il avait prise dans l’intérêt du bien public et du repos de l’Europe.

En lui remettant ces engagemens, ainsi formulés par écrit, le comte de Monterey assura à Van den Enden qu’il l’établirait bien, ainsi que tous ses parens.

Les choses arrangées de la sorte, le médecin flamand se rendit à Anvers, sa ville natale. Il se proposait de transcrire là, dans un chiffre convenu, la note que lui avait communiquée le gouverneur espagnol et dont il vient d’être question. Mais il fut détourné d’exécuter ce travail par diverses circonstances. Il se borna à prendre copie de la pièce qui devait tenir lieu de traité entre le comte de Monterey et le chevalier de Rohan et avisa de tout ce qui s’était passé Latréaumont, par une lettre dans laquelle il se servit, comme il avait été arrêté entre eux, d’expressions ayant un tout autre sens que celui qu’elles paraissaient avoir[1].

Le complot était définitivement organise. Il ne restait plus à Van den Enden qu’à revenir à Paris et à ses complices qu’à agir en conséquence de ce qui s’était négocié, par son intermédiaire, avec le représentant de l’Espagne dans les Pays-Bas.


ALFRED MAURY.

  1. Dans cette lettre, le comte de Monterey était mentionné sous le nom de Kerkerin, gendre de Van den Enden ; le nom de Marguerite, la seconde fille de celui-ci, signifiait les états de Hollande. Le nom de Clara-Maria, sœur aînée de Marguerite, voulait dire les états de Flandre. La somme d’argent que le comte de Monterey consentait à fournir était désignée par l’expression le prix des diamans.