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Si le comte de Monterey entrait dans les vues des conspirateurs pour ce qui était de livrer Quillebeuf, on ne saurait affirmer qu’il partageât tous leurs autres desseins, et, notamment, qu’il adhérât à l’établissement d’une république en France. Nous ne possédons sur ce dernier projet que des indications incomplètes. C’est Latréaumont qui paraît avoir été finalement le dépositaire des mémoires composés tant en français qu’en latin, où se trouvait exposée la constitution de la future république, et dont Van den Enden était le principal auteur.

Celui-ci avait, au reste, tiré le système politique qu’il prétendait introduire en France d’ouvrages publiés aux Pays-Bas et qu’il annota et traduisit pour l’usage de Latréaumont. Ces écrits, imprimés ou manuscrits, ont été détruits avec les papiers dont les conspirateurs étaient nantis ; les commissaires délégués à l’instruction du procès, MM. de Bezons et de Pommereu, ordonnèrent que le tout fût brûlé, et l’exécution eut lieu sur la place de la Bastille, le 7 décembre 1674. On en agit, à cette occasion, comme on le faisait alors pour les livres condamnés. Il est constant que les doctrines soutenues et exposées dans les manuscrits et imprimés en question étaient absolument contraires aux principes monarchiques reconnus en France. C’était, sans aucun doute, celles que Van den Enden avait enseignées à Latréaumont. Le plan de gouvernement que le médecin flamand visait à établir dans le royaume était consigné dans un manuscrit qu’il fit parvenir à son élève, qui s’était rendu en Normandie pour répandre les placards et préparer le soulèvement. Ce mémoire lui fut apporté par le chevalier de Préau, qui était allé rejoindre son oncle et avait fait le voyage, monté sur un cheval que le chevalier de Rohan lui avait prêté ; mais le jeune messager, tout agent principal qu’il fût du complot, était imparfaitement informé du plan politique dont Latréaumont poursuivait l’exécution. Il était trop ignorant pour être en état de comprendre l’écrit en latin dont il était porteur, et c’est seulement à la volée qu’il entendit son oncle et Van den Enden conférer de leurs idées républicaines. L’ouvrage que le médecin flamand fit ainsi passer à Latréaumont avait paru en langue flamande sous le titre de Vues politiques libres et Considérations sur l’état. La seconde partie dudit ouvrage avait été interdite en Hollande, à raison de la hardiesse des idées qu’elle contenait. Van den Enden avait traduit le livre en latin pour que Latréaumont pût le lire. Celui-ci ajouta de sa main, sur le manuscrit, des notes, tant en latin qu’en français, afin de s’en faciliter l’intelligence et se remémorer les développemens que Van den Enden avait, devant lui, donnés de vive voix. Quelques phrases de cet écrit ou du commentaire que nos deux conspirateurs y avaient mis sont relatées dans le