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roc friable et en ont richement décoré les façades ; là elles y ont creusé leurs demeures ; ailleurs elles l’ont façonné en acropoles où de profonds silos, des citernes et des puits pratiqués dans la pierre vive permettaient de tenir pendant de longs mois. A Pichmichkalési, les escaliers, les corps de garde, la crête du rempart, la porte principale, tout est ainsi découpé à même la montagne[1].

Les bas-reliefs ciselés sur ces mêmes rochers ont tous un air de famille ; partout, dans des monumens que séparent de très grandes distances, les mêmes attitudes et les mêmes proportions, les mêmes accessoires. Il y a, par exemple, un type qui se répète en Lydie, en Phrygie et en Cappadoce. C’est celui d’un personnage qui a le corps porté en avant, les jambes assez écartées, un des bras étendu, avec la main plus ou moins levée et l’autre bras replié devant la poitrine. Mêmes ressemblances dans le costume. La coiffure présente plusieurs variétés ; mais celle qui revient le plus souvent, c’est une tiare qui n’est ni l’égyptienne, ni l’assyrienne, ni la perse ; c’est un bonnet pointu, rejeté en arrière, qui rappelle le bonnet persan d’aujourd’hui ou kulah. On le voit sur la tête du roi Khitisar, dans un bas-relief égyptien ; il figure parmi les hiéroglyphes hétéens. La tunique courte n’est portée, dans les sculptures assyriennes et perses, que par les personnages secondaires ; dieux et génies, rois et seigneurs, y ont toujours des vêtemens amples et longs ; en Asie-Mineure, dans des monumens qui paraissent représenter un roi en costume de guerre, on a partout cette tunique collante, serrée aux hanches par une ceinture et terminée au-dessus du genou par une bande saillante. On remarquera aussi la chaussure, ces souliers à pointe élevée et recourbée en arrière qui rappellent ce que l’on nommait chez nous les souliers à la poulaine. Vous les voyez aux pieds du guerrier de Nymphi, près de Smyrne, et de celui dont l’image a été relevée par Texier à Iconium, en Lycaonie ; vous les retrouverez à Thèbes, dans ce vaste tableau du Ramesséum, qui retrace divers épisodes de la bataille gagnée par Ramsès sur les Khiti[2].

Dans le caractère des figures, même uniformité. Ce qui semble leur avoir été commun à toutes, c’est une exécution plutôt rapide et sommaire que très appuyée et très ressentie ; il ne semble pas que la musculature ait jamais été indiquée par d’aussi fermes accens que dans la sculpture assyrienne ; mais si le modelé est simplifié, ce n’est pas, comme en Égypte, par raffinement et parti-pris ;

  1. Perrot et Guillaume, Exploration archéologique, t. II. pl. 32.
  2. Ce détail n’avait pas été remarqué par les différens voyageurs, Champollion, Rosellini, Lepsius, qui ont copié ce tableau ; il a été constaté par M. Sayce (Wright, the Empire, p. XXVI), et M. Maspero m’a confirmé l’exactitude de ce renseignement.