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M. Sayce pouvait donc se mettre à l’œuvre en toute confiance. L’inscription cunéiforme lui parut être du temps de Sargon. Quant à la traduction, elle ne présentait pas de difficulté :


TARKUDIMME, ROI DU PAYS D’ERMÉ,


voilà ce que les assyriologues se sont accordés à lire. Ce roi était inconnu jusqu’à présent ; mais son nom se retrouve, à peine altéré, dans celui de personnages importans de la Cilicie mentionnés par les écrivains grecs et romains. Tacite et Dion Cassius parlent d’un prince cilicien Tarcondimatos ; sur les monnaies et dans Plutarque, on trouve la forme Tarcondemos, qui ne se distingue de celle de notre texte que par la nasalisation de la seconde voyelle et par l’addition de la désinence du nominatif grec. Plus tard encore, on rencontre un Tarcodimatos évêque d’une ville cilicienne, Ægæ. Pour que ce nom se soit ainsi conservé dans une province devenue toute grecque, ne faut-il pas qu’il ait été consacré par une vieille tradition locale, comme celui qu’avaient porté les plus anciens souverains du pays ? On peut donc supposer que Tarkudimme a régné en Cilicie, et le nom que notre texte donne à son royaume ne répugne pas à cette hypothèse ; les géographes grecs appelaient Arima le Taurus cilicien.

Quand, à l’aide de l’inscription du rebord, on entreprend de déchiffrer celle du cercle intérieur, une première question se pose : les deux textes sont-ils la traduction exacte l’un de l’autre ? On ne pourrait le démontrer que si l’on connaissait déjà la valeur des hiéroglyphes hétéens ; cependant, à en juger par l’analogie d’autres inscriptions bilingues, cette correspondance des deux légendes est très vraisemblable. Ce qui confirme cette conjecture, c’est le nombre des caractères ; il y en a neuf dans l’inscription cunéiforme et six dans l’autre. Cette différence s’explique aisément : l’écriture hétéenne, moins avancée dans la voie du phonétisme que l’assyrienne, notait au moyen d’un caractère unique des groupes tels que tarku, dimme, l’e long, que l’écriture cunéiforme savait décomposer en leurs élémens. Quant aux mots roi et pays, ils sont de ceux qui, dans tous les systèmes analogues à celui que nous étudions ici, sont représentés au moyen d’un idéogramme.

Pourvu que l’on admette le postulat de l’identité du texte assyrien et du texte hittite, voilà donc six des caractères de ce dernier dont la valeur serait fixée. Nous ne saurions suivre M. Sayce dans [1]

  1. Sayce, the Bilingual Hittite and cuneiform Inscription of Tarcondêmos (dans les Transactions of the Society of biblical archœology, t. VII, p. 294-308). M. Pinches propose une autre interprétation du dernier mot (dans Wright, the Empire, p. 220) ; mais la lecture du nom d’homme et du titre royal ne lui parait pas douteuse.