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joue ; le conseil privé proposa, tout simplement, la castration. Le cabinet anglais rejeta la motion avec dégoût, et ce couronnement manqua aux lois pénales.

Ces lois, suivant M. Froude, ne furent « malheureusement » pas appliquées. Elles n’étaient que des épouvantails comparables à ceux qu’on place dans les champs pour effrayer les oiseaux. Une distinction est ici nécessaire. Les lois contre les prêtres furent négligemment appliquées et tombèrent promptement en désuétude ; les lois qui touchent à la propriété et aux fermages furent, en général, rigoureusement suivies jusqu’au jour de leur abrogation. Voilà la vérité[1].


II

Les presbytériens de l’Ulster, dans les veines desquels coulait le sang des soldats de Cromwell, n’étaient pas mieux traités. Le serment du test, qu’ils ne pouvaient prêter sans manquer à leurs croyances, les excluait des emplois. Leurs mariages n’étaient point valables ; leurs femmes étaient des concubines, leurs enfans des bâtards. Las de se plaindre et de ne point obtenir justice, les plus âpres, les plus fiers d’entre eux s’expatrièrent et allèrent porter en Amérique, avec leur activité industrielle et commerciale, l’indomptable et farouche instinct d’indépendance qui fit explosion en 1776.

A qui revient la responsabilité de cette double persécution contre les papistes et contre les presbytériens ? Au clergé anglican et à lui seul. Certes, la révocation de l’édit de Nantes est, aux yeux des vrais chrétiens, un acte impolitique, stupide et impie. Encore était-ce une majorité immense qui rejetait hors de son sein une minorité infime. En Irlande, le clergé proscripteur représente seulement le onzième de la population. Du moins, ce clergé cherche-t-il à remplacer un culte par un autre ? Pourvoit-il aux besoins religieux du plus grand nombre ? Quelles leçons donne-t-il et quels exemples ? Quelles leçons ? Froude va vous répondre. « Celui qui a charge d’âmes doit être prêt à prononcer, sur toutes les questions vitales, un oui ou un non. Sur toutes ces questions l’église anglicane dit oui et non. Y a-t-il une église ? Oui et non. Le baptême est-il nécessaire au salut ? Oui et non. Y a-t-il un Dieu dans l’eucharistie ? Oui et non. »

  1. Le caractère et la portée de ces lois ont été admirablement expliqués dans le livre publié par M. l’évêque d’Autun, en 1863, sous ce titre : Études sur l’Irlande contemporaine.