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des lots, ne puisse en aucun cas excéder 1 pour 100 du capital, et que la valeur nominale des titres ne soit pas inférieure à 300 francs.

Toute la question est dans l’affirmation tant de fois répétée que les 600 millions que la compagnie de Panama demande à émettre suffiront pour achever le canal et que l’inauguration pourra avoir lieu dans les délais voulus. M. de Lesseps a des partisans fanatiques, et les 319,739 associés de l’entreprise (112,116 actionnaires et 207,623 obligataires) ont une foi absolue dans ses promesses. Mais l’œuvre a aussi ses détracteurs ou du moins ses sceptiques, qui ne croient ni à la possibilité d’achever le canal avec 600 millions ni à l’inauguration en 1889. Ceux-ci allèguent que les travaux sont loin d’être assez avancés pour que l’on puisse réellement dire que la moitié de l’effort nécessaire pour le succès final a été faite. Ils ajoutent que la compagnie est exposée à succomber sous le poids des charges d’intérêt pendant la période de construction. Enfin ils font remarquer que la commission technique supérieure de la compagnie du canal interocéanique, dans son avis transmis le 25 mai 1886 au ministre des travaux publics, fait justice de l’assertion que le canal puisse être achevé avec 600 millions, puisqu’elle émet simplement l’opinion que « vu les dispositions déjà prises et les améliorations nouvelles qu’on pourrait introduire dans les projets, les 600 millions fournis par l’emprunt projeté sont au moins suffisans pour conduire l’entreprise à un degré d’avancement qui ne laisserait aucun doute sur le succès final et permettrait de l’assurer au moyen d’un dernier effort mesurable avec précision. »

La commission nommée par la chambre pour examiner le projet de loi d’autorisation se compose de six membres hostiles et de trois membres favorables à la concession proposée. Bien que ce résultat ait causé une déception assez vive aux amis de l’entreprise, les porteurs de titres de Panama ne paraissent pas s’en être bien émus. Ils en appellent de la commission à la chambre elle-même et comptent que M. de Lesseps, qui doit être entendu samedi, aura le pouvoir de convertir les commissaires dissidens.

Deux jours après le dépôt du projet de loi tendant à accorder l’autorisation d’émission, M. de Lesseps a avisé les actionnaires par une lettre circulaire de la décision prise par le conseil d’administration d’appeler le quatrième quart sur les actions, qui serait à verser le 20 septembre prochain. Les 600,000 actions du capital social seront donc entièrement libérées lorsque la Compagnie procédera, si la chambre se décide à donner l’autorisation, à l’émission d’un premier emprunt à lots.


Le directeur-gérant - G. BULOZ.