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les premiers jours de son règne, ses sujets l’avaient fêté, adoré. On le disait doux et généreux, il passait pour avoir toutes les bonnes intentions, des goûts nobles, l’esprit élevé, la passion des arts et de la poésie, l’amour des grands sentimens et des grandes choses. Tous ceux qui l’approchaient vantaient le charme de ses manières et de sa conversation ; il séduisait, il fascinait. Comme le roi George V de Hanovre, il était l’homme le mieux fait, le plus beau et le plus distingué de son royaume ; quiconque l’avait rencontré pouvait dire : J’ai vu passer la royauté. Mais à la noblesse de son maintien, à sa superbe prestance, ce Wittelsbach joignait des grâces romantiques que les Guelfes ne connaissent pas. Il y avait du mystère dans son sourire, de l’inquiétude dans son regard, et parfois ses yeux semblaient chercher autour de lui quelque chose qu’ils ne trouvaient pas. On prétendait que dans son enfance, étant sujet aux insomnies et n’aimant pas à être seul la nuit, il faisait venir sa gouvernante pour lui raconter jusqu’au matin de longues histoires où intervenaient des fées, des nixes et des génies. Le goût des génies et des fées lui était resté, et la grave, la plantureuse Bavière pouvait se vanter d’avoir pour souverain un vrai roi de roman.

Mais ce roi de roman était quelquefois un roi sage ; il avait au moins un bon sens intermittent, dont il donna à son peuple une preuve manifeste en 1880, à l’occasion du jubilé des Wittelsbach. Il n’entendait pas qu’on fit des folies en son honneur ; il écrivit aux deux conseils administratifs de sa capitale pour leur représenter la difficulté des temps et les engager à ne pas dépenser tous leurs deniers en flammes de Bengale et en feux d’artifice, leur déclarant qu’il attachait plus d’importance aux bons sentimens qu’à l’éclat des démonstrations. En conséquence, il demandait qu’une partie des sommes votées pour les fêtes fût affectée à quelque œuvre de bienfaisance. Il fut écouté, il fut obéi, et les 530,000 marks que produisirent les collectes furent consacrés à une fondation destinée à venir en aide à la classe ouvrière dans les villes et dans les campagnes. En même temps, Louis II prenait dans la succession de son père 650,000 marks, qui devaient servir à encourager des travaux d’art et de science.

Pouvait-il faire un usage plus judicieux de son argent et donner à ses sujets de plus sages instructions touchant la meilleure manière de célébrer des fêtes nationales ? Le 22 août, il leur adressait une proclamation, à laquelle on n’eût rien trouvé à reprendre si le style en eût été plus simple, moins précieux : « Votre loyale fidélité, leur disait-il, est le fondement de mon trône, votre attachement à ma dynastie et à ma personne est le plus beau joyau de ma couronne. Je vous remercie du plus profond de mon âme, et je me plais à vous donner l’assurance que votre bonheur est la condition de ma propre félicité. C’est avec