Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et prouve toujours une certaine étroitesse d’esprit. Par bonheur, la facilité croissante des voyages et la multiplicité des communications avec des peuples d’esprit et de traditions diverses, en obligeant les jeunes artistes à faire, à l’âge où les convictions se forment, des comparaisons plus variées et plus étendues, leur interdit désormais de s’enfermer pour la vie dans ces préjugés surannés d’école ou de coterie. La connaissance des monumens de style national jointe en temps utile à l’étude des édifices les plus parfaits de l’antiquité leur permet de chercher un style moderne et français, sincèrement approprié à tous nos besoins et à tous nos usages, qui, s’appuyant sur les traditions utiles du passé sans en être une reproduction inanimée, pourra transmettre à l’avenir une expression particulière et complète de notre état social. Nous sera-t-il permis d’ajouter que cette connaissance devrait être répandue, non-seulement chez les artistes, mais encore chez les étudians de tout ordre, dans l’enseignement à tous les degrés ? En effet, c’est l’esprit public qui soutient l’esprit des artistes. L’intelligence de celui qui fait construire est nécessaire à celui qui construit. Quelques bonnes idées élémentaires sur les principes, l’histoire, les devoirs de l’architecture, introduites dans les programmes, formeraient sans doute une génération mieux préparée que la génération actuelle soit à comprendre, dans les constructions nouvelles, la nécessité d’une union plus intime entre la fonction d’utilité et l’expression de beauté, soit à sauvegarder, dans les édifices anciens, un patrimoine précieux qui nous sert autant à préparer notre avenir qu’à connaître notre passé. Les peuples sont comme les individus ; c’est dans le respect de ce qui fut qu’ils puisent la force de préparer ce qui doit être ; il faut qu’ils honorent père et mère s’ils veulent vivre longuement.

M. Blavette est un ancien pensionnaire de Rome. Tout en remplissant ses obligations, au point de vue classique, avec une conscience irréprochable, il ne néglige point de montrer, par la variété de ses études, qu’il garde l’esprit ouvert à des manifestations différentes de l’art en des époques plus lointaines ou plus rapprochées. L’année dernière, il joignait à un projet remarqué de restauration du Panthéon d’Agrippa une aquarelle brillante du plafond de la Sala del Collegio au palais des doges à Venise. Cette année, il entoure d’études intéressantes sur la salle hypostyle dans le grand temple de Karnak, sur un tombeau arabe près du Caire, sur l’église San Miniato al Monte à Florence, son envoi capital, un travail considérable de relevés et de projets de restauration sur les édifices d’Eleusis. Passer ainsi, sans effort, par un élan naturel d’enthousiasme pour toutes les transformations de la pensée humaine, de la civilisation des Rhamsès à celle des kalifes, du mysticisme hellénique