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VII.

L’étude des réactions de l’animal montre à quel point tous les mouvemens instinctifs provoqués par la frayeur sont exactement conformes à la nécessité de vivre, que la nature impose à chacun de ses enfans.

Vienne un danger, quel qu’il soit, il faut s’y soustraire. De là pour un animal quelconque, deux moyens ; ou bien s’enfuir précipitamment, ou bien se tenir coi, immobile, retenir son souffle et rester caché.

Donc à la peur deux modes de réaction : la réaction de la fuite, et la réaction de l’immobilité. Supposons des animaux très intelligens, surpris par un grand danger : c’est en réalité à l’un ou l’autre de ces deux partis qu’ils devront se résoudre. Eh bien ! leur instinct supprime cette délibération, et la peur instinctive les fait fuir ou rester immobiles. Un animal surpris par un danger, tantôt s’enfuit éperdument, aussi vite que ses forces le lui permettent, tantôt se cache, comme paralysé. Quand la perdrix est surprise par un chien, tantôt elle s’envole, tantôt elle est arrêtée ; et alors, l’œil fixe, elle regarde ce terrible ennemi sans pouvoir bouger et s’envoler. Est-ce que par hasard on va croire qu’elle a médité cette immobilité silencieuse, et qu’elle se dit : « Gardons-nous de révéler notre présence, restons dans le buisson, pour que ce monstre ne nous saisisse pas. » Non, certes. Elle est anéantie par la peur ; et cette peur qui la paralyse est une émotion que la peur lui a imposée, suppléant ainsi à l’impuissance de son intelligence. L’instinct la force à rester immobile ; car cette immobilité peut faire son salut.

Je serais tenté de croire que l’action paralysante, stupéfiante, de la peur, qui se manifeste chez l’homme comme sur l’animal, est quelque chose d’analogue à l’immobilité forcée de la perdrix qui est arrêtée par le chien de chasse, du petit oiseau qui est fasciné par le serpent. C’est un instinct salutaire, qui s’est transmis probablement de l’animal à l’homme, et qui, s’il n’a guère de raison d’être pour l’homme, au moins en avait une très évidente chez l’animal. Il faut ne pas faire de bruit, ne pas donner l’éveil à l’ennemi, qui est là tout près ; il faut se tapir, se dissimuler, se dérober à la vue ; car le silence est un moyen plus sûr que la fuite. Je m’imagine que c’est là peut-être l’origine de la forme que prend l’émotion de la peur, quand elle nous paralyse, faisant vaciller nos jambes, arrêtant notre respiration, et nous empêchant de fuir.

Chez certains animaux même, cette réaction d’immobilité est si complète qu’elle simule la mort. Il est des insectes, des che-