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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : Le Fruit défendu; — Visite à Corneille, poème de M. Emile Blémont. — Odéon : la Lettre du cardinal, comédie en 1 acte, en vers, de MM. George Bertal et René Lafon.

Dans la maison de Molière il y a des chambres d’amis : M. Camille Doucet en habite une. A la vérité, ce n’est pas une des plus grandes ni des plus somptueuses : l’aimable auteur n’y prétend pas ; chez un tel hôte, plus que partout ailleurs, il met sa coquetterie à rester modeste et peu gênant. Je l’aperçois distinctement, cette chambrette, dans un pavillon; elle est saine, claire et gaie, tendue de perse ou de cretonne, garnie de meubles bien rangés, au bois uni et peint en gris de fin ou vert d’eau; elle donne sur un jardinet ordonné sagement; au bord de la fenêtre est un pot de pensées; une cage est accrochée au-dessus, où jase un oiseau, — non pas un de ces musiciens qui sont à la fois de grands artistes et de grands virtuoses, ni de ces ténors exotiques, brillans de plumage et de ramage, qui chantent même pour ne rien dire, mais quelque passereau de France, d’habit discret et d’esprit sensé, gentiment babillard, bruant ou chardonneret.

L’homme de cet asile frais et propre, ce n’est assurément ni Molière chez lui, ni Hugo chez les autres: c’est un petit-neveu de Gresset et de Collin d’Harleville, un neveu d’Andrieux, demeuré fidèle, par nature, par éducation et par tenue, à cette morale modérée, à cet enjouement raisonnable, à ces procédés de développement régulier, à ces grâces légères et décentes du discours, à ces innocentes pointes d’un judicieux badinage, qui faisaient les délices habituelles