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est traînée à la remorque d’un bâtiment et amenée par des manœuvres convenables au contact du bâtiment attaqué. On dit aussi torpille divergente la disposition de la remorque la faisant marcher par le côté et non dans les eaux du remorqueur. L’usage de cette torpille à la mer n’est possible que par un temps favorable et lorsque le bâtiment qui la traîne possède une marche très supérieure à celle de l’ennemi, et même dans ce cas c’est une opération très délicate et difficile. L’ennemi, par d’habiles manœuvres, peut de jouer les efforts de l’assaillant et le cribler de projectiles en se faisant chasser[1].

Je n’ai mentionné ces quatre espèces de torpilles et ces deux genres de torpilleurs que pour éviter toute confusion possible dans l’esprit des personnes étrangères au métier, car aucune de ces torpilles, aucun de ces torpilleurs n’est intéressé dans la question qui nous occupe ; cette question ne concerne que le cinquième engin que je vais expliquer et qui est la torpille automobile.

Au moyen d’un tube de lancement et d’un appareil spécial installés soit à terre, soit dans un canot ou à bord d’un bâtiment, on donne à la torpille automobile la première impulsion dans une direction déterminée ; elle chemine ensuite sous l’eau, à une profondeur réglée (généralement 3 mètres) par l’effet d’un moteur intérieur. La seule adoptée en France est celle qui a été inventée par un officier de la marine autrichienne et perfectionnée par M. Whitehead, d’où lui est venu le nom de torpille whitehead. Son atelier de fabrication est établi à Fiume, en Illyrie, sur les bords de la mer Adriatique. C’est là que, depuis douze ans environ, nous nous approvisionnons de torpilles, en attendant que nous ayons conclu avec l’inventeur une convention qui nous permette d’en construire chez nous.

La torpille whitehead affecte à peu près la forme d’un cigare aminci par les bouts ; la longueur du type adopté jusqu’à présent pour les torpilleurs autonomes est de 4 m,40[2]. Elle marche au moyen d’une petite hélice mue par l’air comprimé emmagasiné dans son intérieur. Sa vitesse peut être d’à peu près 12 mètres par seconde pendant les 400 premiers mètres parcourus. Elle porte à son arrière un petit gouvernail qui sert à lui conserver sa direction et son immersion. Ces torpilles peuvent être lancées de l’intérieur d’une embarcation quelconque, canot ou bâtiment, mais, comme il est essentiel, pour assurer le succès d’une pareille attaque, que l’assaillant possède une marche tout à fait supérieure et qu’il soit de dimensions assez réduites pour échapper à l’attention de l’ennemi, le surprendre

  1. Il est question de la suppression chez nous de cette espèce de torpille.
  2. Les résultats n’en étant pas jugés satisfaisans, on a demandé la transformation des tubes afin qu’ils puissent lancer les torpilles de 5m,75, type déjà adopté pour les torpilleurs de 27 mètres.