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ses collègues qu’il ne serait pas donné suite au projet de guerroyer. Il lui confia aussi le soin de leur dire qu’il n’avait plus besoin de leurs services, plus rien à réclamer de leur dévoûment, que leur présence auprès de lui ne ferait qu’ajouter par les dangers qu’elle attirerait sur eux aux amertumes de sa situation ; qu’il leur rendait leur liberté, et leur saurait gré de pourvoir à leur sûreté.

« Mme la duchesse de Berry et ses enfans partirent sur-le-champ par la route directe ; quant au roi, il fut convenu qu’il prendrait à cheval par des chemins détournés pour regagner la route au-delà des bois. »

Il attendit, néanmoins, il attendit le plus longtemps qu’il put, à la très grande impatience des officiers attachés à sa personne et qui ne savaient pas ce qu’il attendait.

Ayant appris, dans la soirée du 30, mais nécessairement très tard, l’acte par lequel la réunion des députés avait conféré la charge de lieutenant-général à M. le duc d’Orléans, il avait essayé de le conjurer en le faisant sien, c’est-à-dire en conférant lui-même royalement cette charge. M. Alexandre de Girardin avait été expédié pour en faire l’offre à M. le duc d’Orléans. C’était sa réponse que le roi attendait.

M. de Girardin ne reçut cette réponse que le 31 à huit heures du soir ; elle lui fut portée verbalement par M. de Berthois au retour de l’Hôtel de Ville. Elle était ce qu’elle pouvait et devait être. Après ce qui s’était passé et s’était fait depuis deux jours, M. le duc d’Orléans ne pouvait devenir l’homme du roi sans perdre tout son ascendant sur le mouvement populaire ; traître en apparence, sa vie même n’aurait pas été en sûreté.

Presque à la même heure, le roi Charles X arrivait à Rambouillet; il avait rejoint sur la route Mme la duchesse de Berry, il était escorté par les gardes du corps et par la gendarmerie d’élite.

« Il y fut reçu non plus avec les démonstrations de joie et les airs de fête qui y accueillaient naguère sa présence, mais en prince malheureux et fugitif. Aucune lumière n’avait été préparée dans la cour d’honneur. La voiture vint se ranger au pied du perron.

« C’était dans ce même château que Napoléon, fuyant de la Malmaison, était venu, lui aussi, passer la première nuit de son éternel exil. »

Le lendemain, 1er août, à cinq heures du matin, y arriva Mme la duchesse d’Angoulême, partie de Vichy l’avant-veille, dépositaire discrète, mais non complice, du secret des ordonnances dont elle avait appris en route la sinistre apparition et la triste issue.

Entre Joigny et Sens, sa voiture s’était croisée avec celle de M. le duc de Chartres, revenant de la barrière de Montrouge, où il avait été arrêté par les insurgés et mis en liberté sur un ordre de M. de