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réunion des députés, il lui demanda si ses pouvoirs s’étendaient jusqu’à l’autoriser à prendre, au nom du roi, le titre et les fonctions de lieutenant-général; celui-ci ayant répondu négativement: « Que dois-je faire alors? lui dit le prince. Dois-je laisser proclamer la république, livrer Paris à l’anarchie, et la France à l’invasion, renoncer à sauver les débris de la monarchie, et la dernière chance d’une réconciliation entre les pouvoirs publics? — Comme ministre du roi, lui répondit M. de Mortemart, je n’ai point de conseil à vous donner ni de pouvoirs à vous conférer, mais, à votre place, j’accepterais. » Le duc d’Orléans écrivit, à la hâte, une lettre que M. de Mortemart se chargea de remettre au roi, et qu’il plaça dans un pli de sa cravate. Ce que contenait cette lettre, je l’ignore, mais, remise à M. de Mortemart et adressée au roi, elle ne pouvait contenir que le récit même de leur entrevue, tel que M. de Mortemart l’a racontée en revenant au Luxembourg.

A huit heures du matin, M. le duc d’Orléans reçut les commissaires délégués par la réunion des députés ; il lut la déclaration dont ces commissaires étaient porteurs, et demanda le temps d’y réfléchir. Mais le temps pressait. M. Bérard et le général Sébastiani lui firent connaître « les menées rapides et croissantes de l’opinion républicaine, l’exaltation des clubs, l’effervescence de l’Hôtel de Ville, les hésitations et bientôt l’impuissance de M. de La Fayette, l’ardeur des jeunes gens, leur influence sur la classe ouvrière; « Monseigneur, lui dit M. Benjamin Delessert, non-seulement M. Bérard vous a dit la vérité, mais il ne vous l’a pas dite tout entière. »

M. le duc d’Orléans demanda une demi-heure et se retira avec le général Sébastiani et M. Dupin, puis il rentra avec une proclamation à la main, laquelle était ainsi conçue :


« Habitans de Paris :

« Les députés de la France, en ce moment réunis à Paris, m’ont exprimé le désir que je me rendisse dans cette capitale pour y exercer les fonctions de lieutenant-général du royaume. Je n’ai pas balancé à venir partager vos dangers, à me placer au milieu de votre héroïque population et à faire tous mes efforts pour vous préserver de la guerre civile et de l’anarchie. En rentrant dans la ville de Paris, je portais avec orgueil les couleurs glorieuses que vous avez reprises et que j’avais moi-même longtemps portées. Les chambres vont se réunir; elles aviseront aux moyen d’assurer le règne des lois et le maintien des droits de la nation. La charte sera désormais une vérité. »

« Cette proclamation, dit le plus fidèle des historiens de cette