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la chambre des députés et sur celui de l’Hôtel de Ville, son offre fut acceptée à défaut de messager en titre d’office.

M. Sauvo, rédacteur du Moniteur, refusa de les publier, et M. Didot, imprimeur de notre chambre, de les publier sans l’autorisation de la chambre des députés.

A peine étais-je entré, à peine avais-je échangé quelques mots avec les assistans, que nous entendîmes dans la cour un vacarme épouvantable. On courut aux fenêtres et l’on aperçut M. de Chateaubriand à califourchon sur les épaules d’un rustre en blouse. A la tête de cette cavalcade, qui tenait du centaure, on voyait s’ébattre, on entendait bruire une volée d’étudians échappés des écoles; à la queue, une tourbe amassée de rue en rue, armée de toutes pièces, qui d’un sabre rouillé, qui d’un pistolet d’arçon, équipée de toutes défroques,


En bottes, en guêtres et surtout en guenilles.


toute la troupe pêle-mêle criant à gorge déployée : « Vive Chateaubriand ! vive la liberté de la presse ! » et, chaque fois que le héros de la fête essayait de crier pour son compte : « Vive le roi ! » couvrant sa voix par de joyeuses clameurs et des gueulées à coups redoublés.

M. de Chateaubriand s’est fort égayé, dans ses Mémoires, aux dépens des scènes grotesques dont la révolution de juillet a été l’occasion et les rues de Paris le théâtre durant ces trois journées, objet tour à tour à tour de ses imprécations et de ses complimens. Rien n’est arrivé là que de naturel. La révolution ayant été toute populaire, la révolution n’ayant été que l’explosion soudaine d’une juste indignation, personne n’avait qualité pour la dominer, la régler, s’en faire le maître des cérémonies. Je suppose que c’est par bon cœur, sinon par reconnaissance, que l’auteur du Génie du christianisme s’est interdit de nous égayer, à notre tour, en nous racontant par le menu l’ovation dont il a lui-même été régalé; mais, c’est dommage, il l’aurait fait de main de maître, et la charge, — en langage d’atelier, — en bon français, la caricature, n’aurait pas été la moins divertissante de toutes.

Après être descendu, tant bien que mal, de ce tréteau de chair et d’os sur lequel il était juché ; après avoir de son mieux congédié sa monture et son cortège, il nous fit l’honneur de monter humblement le grand escalier, de se joindre à nous, qui n’étions pas fiers, j’en conviens, et voici ce qu’en racontent les historiens de la révolution les plus opposés de doctrine et de drapeau.

« Il entre dans la salle où sont assemblés ses collègues. Son émotion