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de retourner en arrière et la périlleuse témérité que son génie lui impose.

Les élections qui viennent de se faire au-delà des Alpes n’ont pas, heureusement pour l’Italie, une si dangereuse gravité et ne peuvent avoir les conséquences qu’auraient en ce moment des élections anglaises. Elles se sont passées, sinon sans bruit et sans quelques incidens de turbulence, du moins sans avoir soulevé les passions publiques et sans avoir provoqué de sérieuses agitations dans le pays. Elles ont été précédées de manifestations qui ont certes leur importance, comme le discours que M. Minghetti a prononcé dans une réunion, à Rome, et où l’ancien président du conseil a parlé avec son élégante facilité, avec le sentiment d’un vieux libéral disposé à se prêtera toutes les combinaisons qui peuvent donner un gouvernement sensé à l’Italie. Enfin de compte, les élections italiennes n’ont été que ce qu’elles pouvaient être dans les circonstances où elles ont été décidées et où elles se sont accomplies. Que dans ce récent mouvement électoral, il y ait eu quelques choix bizarres, comme celui de M. Cipriani, cet ancien soldat de la commune de Paris, sur qui pèsent de graves condamnations, ce ne sont là que des incidens excentriques, des phénomènes d’une maladie révolutionnaire dont tous les pays sont plus ou moins atteints. Dans leur ensemble, les élections n’ont pas changé sensiblement les rapports des partis, la situation parlementaire. Les radicaux de l’extrême gauche ont eu un certain nombre de nominations, pas assez pour avoir une influence décisive et pour être un danger. Les pentarques, les amis de M. Cairoli, de M. Nicotera, de M. Crispi, de M. Baccarini, de M. Zanardelli, qui forment l’opposition la plus sérieuse et qui comptaient sur la victoire, n’ont eu, après tout, que de médiocres succès. M. Cairoli seul a été élu deux fois, à Rome et à Pavie. Le chiffre de l’armée pentarchique arrive à peine à cent cinquante. La droite reprend son rang, avec l’importance que lui donnent les traditions et les lumières, dans le parlement. L’avantage principal et définitif est encore à M. Depretis, qui retrouve sa majorité, qui reste maître de la situation. La majorité n’est pas grande, il est vrai ; telle qu’elle est, elle suffit pour assurer au ministère les moyens de vivre, pour le mettre à l’abri des échauffourées imprévues.

Qu’en fera le président du conseil : Son premier soin sera sans doute d’obtenir le vote d’une partie du budget, puis d’ajourner le parlement, c’est-à-dire les difficultés, à l’automne. D’ici là il aura eu le temps de voir plus clair dans la situation parlementaire et peut-être de modifier son ministère. Au fond, à regarder de près, ces élections récentes de l’Italie, elles ont une signification assez apparente. Il est clair que le pays éprouve un certain éloignement pour les partis extrêmes, qu’il n’a de goût ni pour les aventures, ni pour les agitations, et si M. Depretis, qui est un homme de sens pratique, veut assurer son pouvoir, il