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avec la direction des débats du comité. M. Bland disait à qui voulait l’entendre qu’il n’y aurait pas dans le congrès une majorité pour l’abrogation de la loi. Il affirmait que, dans toute la vallée du Mississipi, aucun candidat, se déclarant ennemi du dollar argent, n’aurait actuellement la moindre chance d’être élu. Et M. Bland a probablement raison. Aujourd’hui comme il y a huit ans, il s’agit d’une question de parti beaucoup plus que d’une question monétaire, et la question de parti se complique ici de la défense acharnée de puissans intérêts. Les possesseurs des mines des états du Far-West, qui ont du métal argent à vendre, sont absolument insensibles aux argumens des docteurs en économie politique. On aura beau, dans le congrès, leur vanter les avantages de l’étalon unique d’or, ils n’entendront rien et n’auront pas besoin pour cela de se boucher les oreilles. Peu leur fait que le monnayage obligatoire soit un élément de trouble pour les transactions commerciales. Ils ont trouvé dans le trésor un client d’un prix inestimable et ils ne veulent absolument pas le perdre. Quant aux politiciens qui interprètent à Washington les sentimens plutôt que les opinions des fermiers, des artisans, des éleveurs et planteurs de l’Ouest et du Sud, braves gens peu familiers avec les principes de la science économique, ils vivent depuis dix ou quinze ans avec cette idée que le paiement des intérêts de la dette en or est un monopole dont les riches se sont investis sans droit, une injustice à l’égard des classes laborieuses, un privilège antirépublicain, et que les choses iraient beaucoup mieux pour tout le monde si le gouvernement payait ses coupons avec le métal le meilleur marché, comme il aurait dû les payer jadis avec les greenbacks à l’époque du cours forcé et de la prime de l’or.


VI.

Dans la seconde quinzaine de décembre 1885, un sénateur démocrate, M. Beck, du Kentucky, avait présenté une résolution portant que le gouvernement devra, conformément à la loi qu’il violait jusqu’à ce moment, payer les intérêts et le capital de la dette en monnaie d’argent. M. Beck n’est pas seulement opposé à la suspension du monnayage, il le voudrait illimité. Mais le parti de l’argent est plus faible au sénat, dont la majorité est républicaine, qu’à la chambre, où le nombre est aux démocrates. La résolution fut renvoyée au comité des finances. Un autre sénateur, M. Eustis, déposa une proposition analogue, mais dont l’objet était d’obliger le congrès à prononcer, sans délai, son approbation ou sa désapprobation de la pratique, constamment suivie jusqu’alors,