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depuis ces idées en sous-œuvre dans un travail sur les emprunts et les impôts, qu’on trouvera dans mes papiers.

La session fut close le 17 juillet. Elle avait été brillante, agitée et tumultueuse. M. de Serre en avait eu tout l’honneur, bien qu’il s’y fût compromis deux fois en sens opposé par la hardiesse de son langage : l’une, en avançant que la majorité de la Convention avait toujours été pure ; l’autre, en déclarant que les régicides bannis ne rentreraient jamais en France.

Je m’étais intimement lié avec lui durant le cours de cette session. C’était moi qu’il consultait sur la préparation de ses travaux, sur l’état réel, pratique, de toutes choses en Angleterre, et qui, au besoin, le défrayais d’argumens. Nous faillîmes, néanmoins, nous brouiller sur l’affaire des régicides, non que je fusse, sur ce crime, d’une autre opinion que lui, mais c’était aggraver l’injustice dont les régicides étaient victimes, et nul ne savait mieux que M. de Serre que leur exil était injuste ; nul n’avait lutté plus que lui pour le prévenir. C’était, en outre, rompre sans motif et sans ménagement avec le parti libéral, qui soutenait alors le ministère, et montrer peu d’égards pour moi, qui étais, en quelque sorte, le lien de cette alliance. On eut quelque peine à nous remettre bien ensemble ; je promis, non sans rancune, en partant pour la Suisse, de revenir pour siéger dans la commission chargée de préparer la réforme du jury.

Je ne passai, cette année, que deux mois en tout à Coppet, et je n’y perdis point mon temps : j’y préparai mon grand travail sur la réforme du jury, travail qui nie conduisit plus loin que je ne comptais. En mettant la main à l’œuvre, je me trouvai progressivement engagé à y faire entrer la réforme de notre code d’instruction criminelle en ce qui touche à l’administration des preuves, ce que les Anglais nomment l’évidence ; à l’interrogation des témoins, ce que les Anglais nomment cross examination ; à l’interrogatoire des accusés ; au rôle du président dans le débat ; au système des plaidoiries avant et après le débat.

On trouvera dans mes papiers la minute de ce grand travail, dont je discutai d’avance les points essentiels, pendant les vacances de la cour royale de Paris, avec l’un de ses membres, M. Girod, de l’Ain, dont l’habitation était voisine de Coppet. J’étais d’ailleurs éclairé et soutenu dans cette discussion par M. Rossi, M. Dumont et M. Bellot.

Je rencontrai cette année en Suisse, mais par accident et en qualité de simples voyageurs, deux hommes que j’avais connus dans des positions fort différentes, M. de Bubna et M. de Bassano. M. de Bubna était alors gouverneur de la Lombardie. Il venait de Milan ; j’ignore si son voyage à Genève cachait quelque arrière-pensée