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de la crise suggéra aux propriétaires des mines d’argent du Pacifique un projet dont la réalisation devait assurer, en Amérique même, à leurs produits miniers le marché qui se dérobait devant eux en Europe et en même temps arrêter le mouvement de baisse du métal argent, peut-être ramener les anciens cours. Ce projet consistait dans la restitution par le congrès, à l’ancienne monnaie d’argent des États-Unis, du caractère de legal tender qui lui avait été enlevé en 1873. Pour une pareille œuvre, ils savaient bien ne pouvoir compter sur les financiers et économistes de l’Est, voués de tous temps à la cause de l’or. Mais, avec un peu d’habileté et un adroit emploi des ressources considérables que mettaient à leur disposition les fortunes si vite gagnées aux mines, ils devaient pouvoir enrégimenter sous leurs bannières les masses compactes de l’armée du papier-monnaie, toujours battue, mais toujours prête à recommencer le combat. Les orateurs populaires s’enrôlèrent en foule dans la nouvelle cause ; les agriculteurs de l’Ouest, les planteurs du Sud se laissèrent aisément persuader que, grâce au rendement extraordinaire des mines, la monnaie d’argent serait, comme la monnaie fiduciaire, susceptible d’une extension indéfinie et que la création de ce nouveau moyen de circulation empêcherait les prix de leurs produits de subir l’avilissement désastreux que ne manquerait pas de provoquer sans cela la cessation du cours forcé des greenbacks et la prédominance sans contre-poids de la monnaie d’or.

Une première escarmouche en 1876 tourna à l’avantage des coalisés. Deux bills furent votés en avril et juillet, autorisant l’émission de 50 millions de dollars de monnaie divisionnaire d’argent pour le rachat d’un montant égal de petites coupures de greenbacks. Une tentative plus hardie pour obtenir le rappel de la loi sur la reprise des paiemens en espèces échoua au cours de la session. Mais, quelques mois plus tard (décembre 1876), dès le retour du congrès, les silvermen dévoilèrent complètement leurs desseins. L’un d’eux, M. Richard Bland, représentant du Missouri, présenta le bill, devenu depuis si fameux, dont l’objet était que le congrès ordonnât la remonétisation de l’argent et restituât à la monnaie fabriquée avec ce métal la puissance complète de libération pour tous engagemens publics ou privés. Ce bill fut voté dans la chambre à une grande majorité. Mais la nation était encore sous le coup de l’émotion profonde causée par le résultat de l’élection présidentielle de