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M. Hector Leroux, le Vésuve et le Soir. Ce sont toujours ses figures accoutumées, mais enveloppées, avec une douceur délicate, dans un air à la fois plus tiède et plus vaporeux qui en rafraîchit la poésie. La recherche du dessin net et clair est poussée jusqu’à la sécheresse chez MM. Worms et Vibert, qui se sont voués aux scènes espagnoles. M. Worms y garde, d’ailleurs, plus de gaîté, de souplesse, de bonhomie, tandis que l’esprit de M. Vibert tourne de plus en plus à la bouffonnerie, comme sa couleur à l’aigre. Une vivacité plus légère, avec un sens plus fin de la vie et des choses, anime toujours les études demi-mondaines et demi-rustitiques de M. Heilbuth, de M. Charnay et de quelques autres. Parmi les scènes d’histoire militaire, le Bataillon carré de 1815, de M. Protais, vaste amoncellement de victimes mortes à leur poste, blanchissant dans la plaine, après la bataille, sous la silencieuse caresse des premières étoiles, et le Buzenval, de M. Médard, composition émue, d’une exécution puissante, malheureusement inachevée par suite d’une maladie cruelle, sont certainement les morceaux les plus émouvans. Un massacre de chouans dans la Chapelle de la Madeleine, à Malestroit, a été l’occasion pour M. Bloch de montrer surtout son habileté à étudier un effet de lumière calme dans un intérieur. L’ouvrage le plus important dans ce genre est le Combat de Fére-Champenoise par M. Le Blant, où les gardes nationaux, refoulés par les alliés, se font massacrer jusqu’au dernier sans mettre bas les armes. Le désordre et l’effarement héroïques des dernières résistances y sont rendus avec une véracité poignante. L’ingénieuse disposition prise par l’artiste pour montrer le développement de l’action, lui a permis de l’envelopper dans un vaste paysage orageux, dont l’aspect sombre et agité rend plus tragique encore cette lutte inégale et désespérée.

Le tableau de M. Le Blant, où s’agite pourtant une foule nombreuse de combattans, est de dimensions très modérées si on le compare aux énormes toiles dans lesquelles se perdent aujourd’hui un grand nombre de peintres de scènes campagnardes ou populaires, et même de simples paysagistes. En thèse générale, en dehors des sujets décoratifs ou historiques, on peut affirmer que toute espèce de sujet gagne à être condensée dans un petit cadre. Une toile de chevalet suffit à dire tout ce qu’un peintre, même le plus profond, peut sentir et penser. Poussin, Rembrandt, Claude Lorrain, Teniers, Watteau, Chardin, Théodore Rousseau n’en ont guère voulu d’autres. La petite toile, il est vrai, supporte moins les ignorances et dissimule moins les tricheries ; plus on est vu de près, plus on a besoin de se bien tenir. En outre, l’excès de la grandeur matérielle accordée aux cadres a le grave inconvénient de désaccoutumer