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événemens, vous n’oublierez pas que de si chers intérêts vous sont confiés. »


Qu’il y avait loin de ce langage à celui de M. de Villèle, répondant de son ton nasillard à notre comité : « Mais quel intérêt pouvez-vous prendre à cette localité? »

C’était Athènes et le Parthénon !

Peu après, notre armée achevait d’évacuer le territoire espagnol, laissant cet infortuné pays en proie à la tyrannie, que nous y avions établie, ou plutôt rétablie, et qui nous avait payés comme paient les tyrans et comme méritent d’être payés ceux qui les protègent. Il n’avait pas été possible d’arracher à Ferdinand VII et à ses suppôts les moindres ménagemens envers ces pauvres libéraux, qu’ils n’avaient vaincus que par nos mains et sous nos drapeaux, cette fois fort peu libérateurs; moins encore, s’il est possible, d’en obtenir le moindre égard pour nos plus justes réclamations ; et le pire, c’est qu’autant en arriva-t-il à Lisbonne, malgré les efforts du gouvernement anglais; le vent de contre-révolution que nous avions déchaîné dans la Péninsule avait renversé le frêle édifice élevé par dom Pedro, sous les auspices du cabinet de Saint-James, et l’armée anglaise, en s’éloignant comme la nôtre, laissait comme la nôtre le parti libéral à la discrétion d’un petit tyranneau dont son ascendant n’avait pu venir à bout. Dom Miguel régnait aussi glorieusement et aussi bénignement que Ferdinand VII, mais au moins l’Angleterre, qui n’avait rien fait pour le hisser sur son petit trône, qui n’en avait voulu faire qu’un chétif prince consort, n’était pas, comme nous, responsable de ses méfaits et de ses forfaits.

Ce qu’aurait fait Canning, s’il avait vécu, pour prévenir en Portugal une contre-révolution qui détruisait, sinon son ouvrage, tout au moins un état de choses qu’il avait approuvé et secondé, qu’il avait même promis de protéger contre la réaction dont nous étions tristement les artisans en Espagne, il est difficile de le dire, mais ce que fit le duc de Wellington, son successeur, sera bientôt dit. Il ne fit rien et ne parut guère en prendre souci.

Aussi bien il ne tenait guère à l’héritage de M. Canning, et il ne tarda pas à le montrer, car il saisit assez brutalement la première occasion qui se présenta pour expulser, c’est le mot propre, de son cabinet, le petit noyau de tories libéraux qu’il avait, de prime abord, consenti à y conserver. Il fit cette exécution sur le plus illustre d’entre eux, M. Huskisson, à propos d’une très légère irrégularité de tactique parlementaire, effet d’une inadvertance dont M. Huskisson fut le premier à s’accuser et à s’excuser. Dès lors, le ministère tout entier fut tory pur sang, et la politique britannique changea du blanc au noir. Il ne réussit, néanmoins, qu’à demi dans sa politique